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Entrevue avec Nicolas Duval, stratège SEO : faire confiance à un algorithme imparfait
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Entrevue avec Nicolas Duval, stratège SEO : faire confiance à un algorithme imparfait

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Un des grands avantages de travailler en agence lorsqu’on a soif d’apprendre, c’est qu’on y est entouré d’un nombre impressionnant d’experts tous plus inspirants les uns que les autres. Ponctuellement, je m’entretiendrai avec l’un d’eux afin de vous faire part de leurs plus récents constats et découvertes, et d’obtenir un point de vue unique sur l’avenir du numérique.

Récemment, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec notre stratège SEO Nicolas Duval. Doté d’un sens de l’humour unique, il est l’une des ressources que je connais possédant les connaissances les plus variées dans le domaine du numérique. Nicolas est arrivé chez Adviso au début de l’automne 2018, après avoir occupé le poste de spécialiste senior du commerce de détail et en ligne au sein du Groupe Dynamite, qui compte 350 magasins répartis au Canada, aux États-Unis et même au Moyen-Orient.

 

Le SEO : un peu plus qu’un sigle

Salut Nicolas! Comment expliques-tu ce que tu fais dans la vie?

Ce que je dis à quelqu’un qui ne travaille pas en numérique, c’est que je travaille avec des sites Web. Déjà, de base, les gens savent ce que c’est. (Rires.) Ma mission éternelle, c’est d’aligner les sites Web et les intentions de recherche des gens. Jusqu’à un certain point, c’est d’améliorer l’expérience de recherche en fonction d’une industrie et d’un site donné. Évidemment, ça va beaucoup plus loin que ça, mais généralement, je perds les gens après la deuxième phrase. (Rires). Dans ces cas-là, je résume simplement en disant que je suis dans le domaine du marketing numérique.

Disons qu’on tente d’aller un peu plus loin dans la compréhension de ton rôle de stratège SEO. Quels sont les grands paramètres de ta job?

On va commencer par définir ce qu’est un algorithme : c’est une grosse ligne de code qui affiche et qui trie du contenu selon des règles d’affaires. Facebook utilise un algorithme, YouTube aussi, de même que Google, qui en utilise évidemment plusieurs. Si tu veux voir des images, ce ne sont pas les mêmes algorithmes que si tu veux voir des restaurants à proximité, et si tu veux voir les derniers livres de Stephen King, c’est un agencement de plusieurs algorithmes.

Ultimement, pour faire mon travail, il faut que je comprenne comment ça fonctionne, quels sont les paramètres considérés, quelles sont les grandes lignes de pensée de Google, quelle est la mission de Google finalement. Son produit principal est un moteur de recherche qui cherche à plaire à un utilisateur en s’avérant utile, accessible, simple d’utilisation et très complet. Il existe d’autres moteurs de recherche, Bing, Yahoo, mais… est-ce qu’on a vraiment besoin d’en parler? (Rires.)

Quels seraient les autres paramètres essentiels à ton travail?

Tout est lié à l’algorithme d’une manière ou d’une autre. Les paramètres les plus importants sont les industries et les contextes clients, les défis, les forces, les faiblesses qu’il faut comprendre.

 

Les algorithmes font la loi

À quelle fréquence les algorithmes sont-ils mis à jour?

Trop souvent! (Rires.) Ou pas assez. Ça dépend ce que l’algorithme affecte. À titre d’exemple, mon site Smokable Herbs a été affecté le 1er août 2018 par la mise à jour d’un algorithme surnommé le « medic update » par les gens de l’industrie. Dans le passé, les mises à jour comme Panda, Pingouin et Hummingbird étaient mieux communiquées. On connaissait leurs impacts éventuels.

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Mais récemment, Google a décidé de restreindre l’information sur la mise à jour de ses algorithmes.

Ah bon? Pourquoi?

Principalement dans le but d’éviter que les résultats de recherche soient manipulés et, ainsi, de favoriser la confiance dans l’algorithme. Mais ce serait aussi pour donner une certaine flexibilité à Google, si elle trouve que les derniers changements apportés ne sont pas à la hauteur de ses attentes. Bien qu’elle soit une des plus grosses sociétés du monde, Google fait des erreurs! La dernière mise à jour faite en août était majeure et a perturbé de nombreux sites dans les industries médicale et financière.

Quel était le changement?

Officieusement, le but était d’influer négativement sur le positionnement dans les résultats de recherche des sites qui ont peu d’autorité. Si la valeur perçue de l’autorité du domaine est faible, notamment dans le domaine médical, un site ne devrait pas se positionner parmi les premiers résultats parce qu’il pourrait donner de mauvais renseignements à l’internaute et nuire à la santé de celui-ci.

Qu’est-ce que ça représente exactement, l’« autorité »?

On trouve du côté de Google et dans sa documentation un concept qu’on appelle « E-A-T » (Expertise-Authority-Trustworthiness, ou « Expertise-Autorité-Fiabilité Crédibilité »). Ces trois piliers déterminent l’ordre des résultats de recherche. Ainsi, un article médical rédigé par le titulaire d’un doctorat et paru dans une publication scientifique a plus de poids que les trucs de grand-mère de mon oncle Bernard qui va à la pêche chaque semaine. (Rires.)

Initialement, la mise à jour de Google se voulait responsable?

Après les fausses nouvelles, on a assisté à une prise de conscience chez les grands joueurs comme Google et Facebook, qui essaient d’adapter leurs algorithmes afin de distinguer le vrai du faux. L’intention était louable sur papier. Mais en pratique, les répercussions négatives ont été considérables. Certaines entreprises ont perdu de 50 à 80 % de leurs revenus indépendants au média parce que l’autorité de leur domaine n’était plus jugée « suffisante », et ce, du jour au lendemain, sans qu’elles aient changé quoi que ce soit. Pour les entreprises qui comptent énormément sur le Web pour générer des profits, l’impact était assez paniquant.

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Qu’est-ce qu’on devrait faire dans ce temps-là?

Le mieux, étonnamment, aurait été de ne rien faire. Huit mois plus tard, le 12 mars 2019, une nouvelle mise à jour a permis à 60 % des domaines qui avaient subi des répercussions négatives de retrouver leur positionnement. La mise en place de mesures aurait coûté cher et n’aurait servi à rien puisque Google a elle-même rectifié la situation.

Autrement, une analyse plus holistique s’impose. Il faudra donc songer à des façons de s’aligner avec les piliers E.A.T. de Google, comme en faisant rayonner l’expertise de son entreprise par celle de ses experts et en mentionnant des sources externes crédibles.

 

Faire confiance à un algorithme imparfait

Devions-nous éviter de suivre les règles imposées (parfois à notre insu) par Google?

Plusieurs disent : « Continuez à créer du bon contenu! Continuez à construire votre site! » Peu importe la façon dont l’algorithme vous perçoit, la grande mission de Google consiste à répondre aux besoins des utilisateurs.  

 

Faites en sorte que votre site soit le meilleur afin que Google se sente embarrassée de ne pas l’avoir bien positionné.

— Barry Schwartz

Donc non, nous n’avons pas le choix de faire confiance à un algorithme imparfait. Il peut même parfois nous aider. Un site pourrait être plutôt obsolète, voire même techniquement horrible, et tout de même bien se positionner pour des requêtes pertinentes.

 

L’équilibre entre SEO et SEM

Quelles sont tes principales attentes, voire tes craintes, par rapport aux algorithmes?

La crainte qui transpire dans notre entrevue, c’est que l’impact d’un algorithme sur les petits joueurs peut s’avérer colossal. Il y a toujours cette espèce de convergence vers les médias payants qui doivent pallier la perte organique. Ma crainte, c’est que Google et Facebook (qui le fait déjà d’ailleurs) coupent le référencement naturel pour le remplacer par sa forme payante. Ça devient un cercle très vicieux : Google veut plaire à ses utilisateurs et continuer à faire des profits, mais la majorité du trafic est naturel parce que les gens savent reconnaître une publicité.

Avant, les résultats payants étaient à droite des résultats organiques, maintenant ils sont au-dessus de ceux-ci, et sur les plateformes mobiles, ils occupent encore plus d’espace. Ils pourraient éventuellement ajouter des images pour des résultats payants afin d’inciter les internautes à cliquer toujours plus et ainsi de faire payer l’annonceur davantage. Or, ce n’est pas sain. Ça ne permet pas à des plus petits joueurs de se tailler une place, d’ajouter leur valeur. Le danger pour Google serait de s’éloigner de sa mission de répondre à priori aux besoins des utilisateurs.

En même temps, une stratégie SEM bien ficelée grâce à une stratégie organique peut être encore plus efficace. On s’entend que le paid, ce n’est pas le diable non plus! (Rires.)

Une stratégie médias peut être très bénéfique pour une industrie. Facebook et Google restent les meilleures plateformes pour mettre en œuvre des stratégies médias super intéressantes. C’est juste qu’il ne faudrait pas faire converger l’organique vers le média plus qu’on le fait actuellement. Il faut toujours chercher à répondre aux besoins de l’utilisateur, et je ne crois pas que le média payant peut combler tous les besoins.

Finalement, ça deviendrait le dollar qui dicte la réponse, et non l’intention.

Exactement, et dans certaines verticales, les résultats payants s’emparent tranquillement de Google Maps par exemple. Dans d’autres verticales, comme Google Images, on voit émerger des publicités.

C’est une crainte ou un fait?

Ça se passe en ce moment! La crainte, ce serait qu’il devienne difficile de faire la différence entre résultats payants et naturels — finalement que Google tente encore plus de monétiser l’ensemble des catégories de résultats de recherche.

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Est-ce qu’Instagram est considéré comme un moteur de recherche?

Oui, tout comme Pinterest. Ils présentent des résultats de recherche visuels grâce à des algorithmes adaptés aux images. Dans le cas particulier d’Instagram, on se réjouit de la fonctionnalité d’achat direct qui est sur le point d’être offerte.

Mais, encore une fois, est-ce qu’Instagram risque de (trop) miser sur la monétisation?

Il faut chercher un équilibre entre la pertinence des résultats et la monétisation de la plateforme. Ce qui est intéressant avec cette plateforme, c’est qu’elle est déjà un outil très utilisé par les détaillants pour promouvoir leurs produits. En ajoutant cet élément de monétisation pour l’annonceur, on mettra à la disposition de ce dernier toutes les fonctionnalités voulues au sein d’une même plateforme. Facebook le faisait déjà, mais dans une très faible mesure.

Tout ça, dans l’optique d’améliorer l’expérience de l’utilisateur, de réduire les irritants en diminuant le nombre de clics requis pour effectuer une transaction.

Absolument! Et avec les années, on comprend que les utilisateurs veulent rester sur la même plateforme sociale. Pour les commerçants, le trafic social présente un taux de rebond social extrêmement élevé et la durée moyenne des sessions est pas mal plus basse.

 

Favoriser la découvrabilité

Restons positifs pour finir! Quel vœu aimerais-tu voir exaucer, algorithmiquement parlant?

Un vœu? Une optimisation plus importante de la plateforme pour les utilisateurs. Permettre à un site qui sort demain et qui offre un excellent produit d’être vu, consulté et apprécié au même titre qu’un autre site qui existe depuis dix ans. Offrir aux sites émergeants la possibilité de se faire découvrir dans un marché libre.

Un autre vœu serait que Google (re)commence à faire confiance à sa communauté, à lui donner un peu plus d’information, sans faire dans la granularité, pour lui permettre de comprendre les raisons derrière les changements de positionnement. Google tient toujours le même discours : « Nous avons établi des lignes directrices depuis des années et elles n’ont pas changé. » Mais en lisant l’article d’un pair, j’ai appris que la balise RelNextPrev que j’utilisais depuis des années n’est plus prise en compte par Google!

C’est gênant, ça!

C’est gênant pour Google, parce que ce géant du Web change des balises qu’il recommande depuis des années, sans avertir personne. Mais heureusement, c’est assez rare!

 

Pour aller plus loin en SEO

Si on souhaite approfondir le sujet, quelles lectures recommandes-tu?

C’est une question qui m’est souvent posée. Certaines personnes et entreprises créent du très bon contenu. J’aime beaucoup :

 

Sinon dans l’actualité, je recommanderais :

Et, évidemment, notre équipe de marketing de contenu devrait pouvoir apporter beaucoup de réponses aussi! (Rires.)

Merci beaucoup Nicolas de ton temps!

Ça m’a fait plaisir, et faites-moi signe, si vous avez des questions!