Entrevue avec Sébastien Neveu : 5 grandes tendances du inbound en 2019
Dans cette entrevue avec Sébastien Neveu, chef de pratique en SEO et inbound marketing, vous découvrirez des grandes tendances qui influenceront grandement les entreprises d’aujourd’hui et de demain.
Un des grands avantages de travailler en agence lorsqu’on a soif d’apprendre, c’est d’être entouré d’un nombre impressionnant d’experts tous plus inspirants les uns que les autres. Chaque mois, je m’entretiendrai avec l’un d’eux pour vous partager leurs plus récents constats et découvertes, et obtenir un point de vue unique sur l’avenir du numérique.
Ce mois-ci, j’ai rencontré Sébastien Neveu, chef de pratique en SEO et en inbound marketing. Pour la petite histoire, Sébastien s’est joint à notre équipe de marketing de contenu en août 2018, après plusieurs années passées du côté éditeur, du côté agence et du côté annonceur. Lors de notre rencontre, il m’a révélé les 5 tendances à surveiller dans son domaine en 2019. Mais commençons par le début.
Sébastien, dis-moi, comment expliques-tu à tes amis ce que tu fais dans la vie?
À priori, je commence par expliquer que ma job, ce n’est pas d’installer des imprimantes ou de faire des mises à jour de cellulaire (rires). Résumé simplement, je fais du marketing et ma finalité est de rendre plus visible un site internet, sans média payant. Je joue principalement un rôle de stratège.
En consultant ton profil Linkedin, on remarque que tu as commencé ta carrière en intelligence d’affaires. Qu’est-ce qui t’as fait prendre le chemin du SEO? Et quel est le lien entre ces deux domaines?
Les études que j’ai faites avaient une dominante en web, c’était en rapport avec les technologies de l’information. En intelligence d’affaires, mon objectif était d’analyser les marchés en rapport avec les technologies de l’information. Aujourd’hui, ce que je fais est plus technique, mais l’approche reste sensiblement la même, c’est-à-dire une approche systémique. Ce que j’entends par là, c’est que dans les deux contextes, il faut essayer de comprendre le système dans lequel un client évolue, l’environnement. Comprendre les tenants et aboutissants, ça équivalait au modèle des cinq forces de Porter, d’analyser le client, de déterminer le pouvoir de négociation des fournisseurs, la menace de nouveaux entrants, les barrières à l’entrée, etc. C’est plus ou moins le même travail dans la philosophie inbound : c’est de comprendre pour un client où on est, d’où on vient, quels sont les objectifs, les concurrents, leurs forces, et notre positionnement par rapport à eux. Sommes-nous un leader? Un challenger? Est-ce que le marché est concurrentiel? Est-ce que le marché est changeant?
La principale différence est que le inbound se travaille davantage avec une vision à long terme. Il faut avoir, certes, la capacité d’analyser le moment présent, mais aussi celle d’anticiper l’avenir avec les tendances d’évolution.
Parlant de tendances d’évolution, sautons dans le vif du sujet! Dis-moi Sébastien, quelles tendances méritent d’attirer notre attention en 2019?
1. GAFAM sur les stéroïdes
Premièrement, la lutte entre les mastodontes du secteur. Beaucoup de scandales liés au numérique et au data ont marqué 2018.
D’ailleurs, plusieurs médias ont constaté dans leur revue de l’année une baisse importante de confiance des utilisateurs envers Facebook.
On se souvient de Cambrige Analytica, des inquiétudes des internautes quant à l’utilisation de leurs données, des tollés des fake news et autres données truquées. Tout ça affectera assurément 2019, surtout à travers la bataille importante dans laquelle se trouve les géants du web, le fameux GAFA.
Tu parles bien de Google, Apple, Facebook et Amazon?
Exact! Donc, une chose est presque certaine : Facebook va tenter de se sauver la face (rires). Amazon, lui, va toujours aller dans le shopping, puis va sans doute faire beaucoup de mouvement avec Twitch, une plateforme de diffusion en temps réel de jeux en ligne multijoueurs et de e-sports.
D’un angle inbound marketing et SEO, on va avoir Google qui, par exemple, va s’investir beaucoup plus dans Google Image, histoire d’aller contrecarrer Instagram (et donc Facebook). Google va également miser sur le local, pour gagner du terrain sur un autre point fort de Facebook. Finalement, Google essayera aussi de se relancer dans le social, maintenant que la mort de Google+ a été officiellement annoncée. Elle va sans doute le faire via YouTube, pour tenter de limiter le positionnement de Twitch, qui s’empare de beaucoup de parts de marché, bien qu’elles soient encore très nichées et propres aux jeux vidéos.
Qu’est-ce qui pourrait expliquer la menace que représente Twitch pour YouTube?
En gros, Twitch a créé un modèle d’affaires qui met de l’avant un système d’abonnement beaucoup plus de fluide pour les utilisateurs. Contrairement à YouTube, qui, à travers des changements récents, a limité les possibilités de monétisation des créateurs de contenu. Cette situation fait en sorte que ces créateurs ont commencé à migrer vers Twitch, notamment pour le mode de rémunération sous forme de dons de la part des visiteurs avec un système de crédits disponibles, créant ainsi un genre de monnaie locale. Twitch a pratiquement repris un modèle publicitaire premium, basé sur le volontariat. Et ce qui est le plus intéressant, c’est que ça fonctionne vraiment bien.
2. Un pas vers la rentabilité éditoriale
Une autre tendance à laquelle porter attention sera un changement majeur au niveau des éditeurs, plus spécifiquement des grands médias. De nombreuses alliances publicitaires pourraient de se créer afin d’aller chercher une masse critique de visiteurs. Mes collègues en média me regarderont avec des gros yeux (rires), mais je pense qu’on assistera à une baisse de l’inventaire programmatique chez les éditeurs réussissant à atteindre cette masse critique, car les alliances leur permettront de créer une marque encore plus forte et ainsi permettre un meilleur contrôle des revenus publicitaires, le nerf de la guerre. Car avec le modèle actuel, le coût par mille moyen est trop faible pour assurer un revenu qui permette de couvrir les salaires des journalistes, par exemple. À voir si un modèle premium pourrait avoir un impact positif sur la liberté d’expression!
On remarque souvent des tendances qui reviennent. Le modèle premium se rapprochait beaucoup du magazine, comparativement au journal, non?
Le numérique, c’est un peu comme la mode. Les tendances et meilleures pratiques ont beau changer à chaque année, elles font inévitablement retour des années plus tard! Les termes changent, mais les concepts restent les mêmes. Ce sont souvent des mouvements de balancier : de plus marketing et conceptuel à plus technique, d’une approche plus publicitaire à une approche basée sur l’affiliation. On réinvente rarement la roue, mais on la met à jour.
Où réside la valeur des agences dans ce contexte?
Le travail d’une agence est de fournir les meilleures pistes de tendance pour répondre aux besoins de ses clients. C’est un rôle de scout pour trouver le chemin le plus court, le plus efficace pour atteindre la destination souhaitée.
3. La transparence à tout prix
Quelle direction les entreprises devraient considérer selon toi?
Les marques n’auront d’autre choix que de renforcer leur crédibilité. La grille de lecture de cette crédibilité, déterminée par Google, misera sur l’expertise, l’autorité et la transparence. Cette grille permettra de jauger de la qualité d’un contenu, et, par extension, d’une marque. En inbound, les marques doivent démontrer qu’elles peuvent répondre aux besoins et aux attentes des consommateurs, qu’elles sont utiles et apportent un impact positif d’un point de vue tant individuel que social. Prenons, par exemple, l’entreprise Mountain Equipment Coop (MEC). Ce détaillant et fabricant de vêtements et de matériel de plein air se doit aujourd’hui d’être capable de donner un avis sur tout ce qui concerne le sport d’extérieur! On doit le sentir non seulement au niveau du contenu proposé, mais aussi dans la forme du site.
4. La disparition des données
Qu’en est-il d’un point de vue plus technique?
Comme je l’expliquais précédemment, on note une méfiance envers l’utilisation des données de certaines plateformes. Comme la catégorisation du contenu deviendra de plus en plus poussée, il y aura une opportunité de recréer la donnée disparue. Il faudra donc réengager les marques à créer du contenu, en plus de se doter de stratégies de contenu encore plus poussées. Les actions sociales étant moindres, il y a une nécessité de montrer son expertise. Il serait donc possible de prédire que le Owned, les plateformes desquelles les entreprises sont propriétaires et sur lesquelles elles ont le plein contrôle, va prendre beaucoup d’ampleur.
Est-ce la même réalité en commerce de détail?
Pour les détaillants, il y aura une nécessité d’exprimer concrètement les différents points de vente sur les plateformes de l’entreprise. Mais en gros, les entreprises devront apprendre à contrôler leurs actifs numériques avec le moins de plateformes tierces possible, c’est ainsi qu’elles regagneront une pleine liberté.
5. Responsabilisation du numérique
Vers quelle éthique marketing allons-nous?
On pense souvent, à tort, que le marketing a pour objectif de vendre à tout prix un produit dont les consommateurs n’ont pas besoin. Cette stratégie, appelée du push, fait référence à des modèles publicitaires archaïques. Aujourd’hui, nous connectons avec les consommateurs à partir de besoins réels. Et c’est principalement ce qu’on voit en SEO. On n’impose pas une tendance ou un besoin, on recherche ce qui est en demande, et on s’assure de répondre le mieux possible en présentant la bonne réponse au bon endroit.
Ce que je préfère dans mon travail, c’est de tracer le meilleur chemin pour résoudre un problème ou atteindre un objectif, comprendre l’environnement. Je fais du marketing en ayant la conviction de parfois pouvoir changer les choses : amener mes clients sur une logique de responsabilisation face au numérique, d’engagement envers le développement durable.
Les consommateurs sont-ils vraiment rendus là? Et les géants du web?
Il est possible de trier en deux groupes de consommateurs d’aujourd’hui : ceux qui s’en foutent, et ceux qui demandent aux marques de prouver leurs valeurs. Beaucoup de choses vont changer au niveau de la production, au-delà du numérique. On parle de slow food, de simplicité volontaire, de refus des soldes, du retrait des collections en mode vers des coupes intemporelles. Et ce qui est surprenant, c’est que même Google suit cette tendance de faire mieux et moins. Autrement dit, une entreprise qui a un blogue est mieux de mettre à jour ses contenus et d’indiquer une mise à jour que de produire des contenus similaires à chaque année. Il faut penser aux marketing de contenu un peu comme on voit le jardinage : faire croître des organismes dans un environnement changeant mais contrôlé.
Tous ces points laissent vraiment matière à réflexion! Merci beaucoup Sébastien de ton temps précieux. Ça donne vraiment envie d’aller plus loin dans l’univers du référencement!