Marketing d’influence : il n’y pas de recette magique
Les influenceurs explosent l’offre média, tant par l’inventaire d’affichage que par la création de contenu. Devant quels enjeux se retrouvent les marques?
Les innovations numériques sont toujours suivies par l’éclosion d’une industrie de niches cherchant à exploiter rapidement les principes fondamentaux de ces innovations. Plusieurs se rappelleront des astuces techniques qui permettaient d’assurer une position en première page des engins de recherches au début des années 2000. Instagram et le développement d’un nouveau type de médias à fort contenu personnel, ou ego-média, n’échappe pas à cette tendance. Et si Instagram travaille aussi fort que Google à diminuer l’exploitation non-conventionnelle de sa plateforme, de nombreux cas ont régulièrement fait la manchette à ce sujet. Le dernier en date étant l’édifiant récit exploratoire d’Émilie Bilodeau et Martin Tremblay : « Comment devenir influenceur (en trichant) ».
À la lecture de cet article, il me semble opportun de disséquer différents enjeux exposés à travers cette publication. Du point de vue de la pratique marketing, il y a trois sous-enjeux: l’achat de signaux sociaux, l’achat de portée sociale organique et l’automatisation de la découvrabilité organique d’un compte.
Des signaux sociaux trompeurs
Le premier enjeu concerne l’achat de signaux sociaux, soit l’achat massif de followers qui sont généralement de faux comptes ou encore l’achat de commentaires. Plusieurs entreprises québécoises ont déjà fait les manchettes pour avoir eu recours à ce genre de pratiques. Vanity metric par excellence, le nombre d’abonnés à un compte social est une manière d’envoyer le signal à l’internaute sans méfiance que le compte suscite de l’intérêt.
Cette pratique doit nous rappeler que si cette donnée est fondamentale aux non-initiés du marketing sur les réseaux sociaux, elle ne devrait être considérée que comme une donnée très accessoire lors de tout exercice d’évaluation de comptes sur les réseaux sociaux. L’important restera toujours de regarder le taux d’engagement de ces comptes pour évaluer la pertinence d’une association ainsi que la courbe de progression de leurs abonnés afin d’évaluer la crédibilité de cette audience.
Louer sa portée organique
Le deuxième enjeu concerne l’achat de publications commandités auprès d’un influenceur afin d’offrir à son message une portée organique potentiellement plus puissante que du simple achat média. L’idée n’est certainement pas condamnable.
De nombreuses pages Facebook, comptes Instagram, profils Snapchat ou TikTok devraient être considérés à juste titre comme des médias à part entière et la location de leur audience par le biais de contenus commandités ne devrait pas être jugé différemment d’autres médias plus traditionnels.
Là où cette histoire doit avoir valeur d’enseignement, c’est dans la réflexion stratégique qui précède la décision de faire affaire avec ces ego-médias. Comme dans tout, le recours à ce type de média ne devrait qu’être une partie d’un mix média plus large et la rigueur du processus de sélection de ces comptes devrait être inversement proportionnel au degré de transparence de ceux-ci face à leurs données.
Pourquoi décider de faire affaire avec ce genre de médias? Outre l’addition de leurs audiences respectives permettant d’établir une métrique de portée avantageuse dans un rapport de campagne, qu’apportent ces comptes aux marques sur lesquelles nous travaillons?
On le voit, l’influence d’un compte n’est pas corrélée à la taille de son audience. On sait aussi que le développement d’une audience est un processus de longue haleine. On s’étonne alors de voir aussi peu d’intérêt chez la majorité des marques à ne pas s’engager sur des relations à plus long terme avec quelques médias alternatifs afin de développer plus qu’une audience: un ton, une réelle affinité de marque avec ceux-ci et un univers commun riche en apprentissage et en notoriété de marque. Concrètement, les partenariats avec ces types de médias d’influence deviennent une façon de créer de façon très tangible des contenus de marque de grande qualité.
Automatiser sa découvrabilité
Finalement, le troisième enjeu concerne l’automatisation de certaines pratiques visant à faire connaître, sans aide publicitaire, son compte à d’autres comptes sur le même réseau. Cette pratique pourrait sembler choquante par sa nouveauté, mais elle n’en reste pas moins différente d’autres nombreuses pratiques parfaitement acceptées comme celle d’utiliser une intelligence artificielle pour mieux gérer l’envoi à chaque abonné d’une infolettre afin de maximiser son ouverture.
L’idée de suivre le compte d’un utilisateur Instagram afin de se faire connaître de lui est une pratique conventionnelle et inscrite à la todo list de tous les gestionnaires de communauté.
Pouvoir utiliser des outils pour automatiser cette tâche n’est pas, en soi, une mauvaise idée.
Si Instagram sanctionne cette pratique, c’est avant tout parce qu’elle entre en conflit avec son offre publicitaire. Cependant, faite dans le respect des règles des plateformes et avec un brin d’intelligence, cette pratique représente un intérêt non négligeable dans le développement d’une audience de marque au même titre que l’achat d’espace média. Et s’il est normal de se questionner sur l’aspect moral de se désabonner d’un compte quelques heures seulement après avoir envoyé le signal qu’on le suivait, notons que tous les scripts automatisant ces interactions ne font pas ça et que cette pratique est fortement influencée par la limite de 7 500 abonnés d’un compte Instagram.
Quelle approche adopter?
En conclusion, il nous semble essentiel que plusieurs marques développent une approche rigoureuse au développement de leurs audiences et consacrent la majorité de leurs budgets à des KPIs qui auront un impact positif sur leur portée nette. Sans compter que les audiences acquises (les gens qui nous suivent déjà) feront dorénavant parti d’un actif numérique précieux nécessaire au déploiement d’autres efforts publicitaires alors que les audiences louées, parfois au prix fort, ne fourniront pas le retour sur investissement souhaité sans une intégration fine et intelligente à l’effort de marque.
Aucune stratégie ne devrait reposer principalement sur un hack.
N’oublions jamais qu’avoir une approche pilotée par les données n’est pas une fin en soi, mais bien une méthodologie décisionnelle. Aucune donnée ne mérite d’être prise en considération dans une décision si l’on n’en comprend pas la source ni les limites méthodologiques.
Et même si tout cela est bien pris en compte, rappelons-nous que dans une course aux armements entre les hackers et les plus grandes entreprises technologiques du monde, seul les hackers vraiment intelligents peuvent espérer s’en sortir gagnant.
À bon entendeur!