Comment se porte votre image de marque en ligne? Entrevue avec Jonathan Lemay, chef de pratique marque et contenu
Comment vos consommateurs perçoivent-ils votre marque en ligne? Peut-être en avez-vous une idée à travers le bouche à oreille, un sondage que vous avez envoyé dans votre dernière infolettre, ou encore par l’entremise de votre département de service à la clientèle.
La construction de la perception d’une marque passe par de nombreux canaux et il est maintenant inévitable de s’intéresser à l’impact du numérique sur celle-ci. Au-delà de vos employés, de votre département de service à la clientèle, de votre logo ou encore de votre marketing de contenu, les canaux se sont multipliés au cours des dernières années, venant ainsi bousculer la façon de travailler sa stratégie de marque.
Je m’entretiens avec Jonathan Lemay, chef de pratique marque et contenu pour discuter de l’image en ligne des marques.
Comment le numérique exerce-t-il une influence sur les marques ?
Je dirais que j’observe présentement une dichotomie chez les marques d’aujourd’hui : on dirait qu’une majorité des marques qui ne sont pas nées du numérique, par exemple les grandes chaînes de supermarchés ou les produits courants, n’ont pas tout à fait encore réussi leur saut en numérique. Les marques qui ont grandi avec le marketing traditionnel ont encore à ce jour de la difficulté à bien s’exprimer et adopter de bonnes pratiques en ligne.
En tant que marketeur, je remarque qu’il y a une difficulté qui persiste chez les employés de ces entreprises à apprivoiser le numérique. Or, certaines marques ont bâti leur crédibilité uniquement sur le web et d’autres doivent leur succès aux médias sociaux.
J’ai récemment lu un article sur LinkedIn qui mentionnait que malgré la chute du nombre d’utilisateurs sur les médias sociaux, les marques seront les dernières à quitter les médias sociaux. J’ai l’impression que les marques sont les dernières à embarquer dans les tendances numériques et sont les dernières à s’en départir.
Il y a une difficulté pour les marques à être plus rapide que les consommateurs dans l’adoption des comportements. C’est à croire qu’un comportement doit être adopté par la majorité avant qu’une marque se décide à l’adopter. Par exemple, un utilisateur habitué d’une plateforme sociale connaît très bien comment celle-ci fonctionne et maîtrise bien les codes, alors qu’une marque qui se lance sur les médias sociaux aura forcément une courbe d’apprentissage plus abrupte et moins de temps pour s’adapter. Cela dit, certaines marques nées du numérique le font très bien.
Crois-tu que certaines marques ont peur d’utiliser l’humour, voir même, l’autodérision dans leurs contenus web par crainte des répercussions sur leur image?
Beaucoup de marques ne veulent pas laisser les utilisateurs façonner leur image de marque. Les fondateurs de certaines entreprises ont souvent une vision très définie et arrêtée de ce qu’est leur marque, parce que leurs marketeurs ont dicté une direction précise, mais la réalité maintenant avec le numérique est que la diffusion sur le web laisse forcément place aux opinions des consommateurs, et qu’ils ne se gênent pas de partager.
Les réponses, les émotions et les perceptions des gens vivent maintenant advitam eternum en ligne, il y a déjà une empreinte numérique. Soit les gens vont utiliser des mots, soit c’est leur comportement qui va parler. Il est important de capter cette réaction et de ne pas la laisser aller, sinon on perd des opportunités d’analyse de données d’une immense valeur.
Il peut paraître difficile en tant qu’entreprise d’accepter que la rétroaction puisse survenir à n’importe quel moment, contrairement aux processus perpétrés qui sont liés à des trimestres ou des années. Il est donc très difficile de se coller à ce que ses consommateurs veulent en temps réel, car il n’y a pas de début et de fin à la rétroaction que permet les médias sociaux.
Comment savoir si les consommateurs apprécient une marque ?
Le premier élément à prendre en compte, aussi banal semble-t-il, est de jeter son regard sur ses propres médias sociaux. La plupart des marques y occupent maintenant une place importante, alors aussi bien observer ce qui s’y dit. Autant sur ses propres plateformes, en analysant comment les gens réagissent à ses publications, que sur celles de ses compétiteurs. Il y a trois sortes de sentiments possibles : j’aime ça, j’haïs ça ou je m’en fous. Il est plus facile d’identifier qui sont ceux qui aiment et détestent et s’ajuster par la suite. En revanche, ceux qui s’en foutent ou, pire encore, ne remarquent pas sont en quelque sorte les pires des trois, car ils ne laissent pas de trace tangible sur le web.
Il y a trois sortes de sentiments possibles : j’aime ça, j’haïs ça ou je m’en fous.
Un deuxième élément à considérer pour savoir si sa marque se porte bien est d’observer le comportement des utilisateurs sur son site web. Ont-ils trouvé ce qu’ils y cherchaient? Ont-ils été séduits au point de s’abonner à l’infolettre? Tous ces éléments sont à prendre en compte dans l’équation. D’ailleurs, si le sujet vous intéresse, ma collègue Marion Peres a rédigé un article très intéressant à propos des insights utilisateurs!
Finalement, il faut aussi s’attarder aux autres plateformes où certains de vos utilisateurs pourraient s’exprimer, par exemple, les forums, ou même sur les plateformes de vos concurrents. Si la discussion autour de votre marque ne se déroule plus sur les canaux que vous avez vous-même construits, c’est à se demander si quelque chose cloche.
À partir de quel moment est-il recommandé pour une entreprise de réfléchir à retravailler sa marque?
Pour plusieurs entreprises, tout part d’un élément déclencheur. Il s’agit parfois d’un compétiteur qui a pris le dessus sur le marché, alors que pour d’autres, ce sont les ventes qui ont diminué. C’est uniquement à partir de ce moment que l’intention de changement entre en jeu. Bien que ce soit un bon réflexe, il aurait fallu y penser avant. À partir du moment où une entreprise est plus réactive que proactive, elle a déjà beaucoup de chemin à rattraper. Or, il est tout à fait possible de profiter de ce constat pour planifier l’avenir de manière solide, et pas seulement temporairement. Il faut donc se départir de ce réflexe de réactivité et établir des processus et des technologies qui vont permettre de faire évoluer sa marque, comprendre ce que ses consommateurs ont réellement besoin, analyser l’évolution de ses compétiteurs et mesurer par la suite ses actions.
Quels conseils donnerais-tu à une entreprise qui désire avoir une image de marque forte sur le web?
En premier lieu, je dirais avoir la tête tournée vers le consommateur. Je crois fermement que c’est en sollicitant l’aide d’un partenaire externe qu’une entreprise peut avoir l’heure juste sur les besoins exprimés par ses cibles. Le travail d’un stratège consiste à savoir ce que l’utilisateur recherche, ce dont il a besoin et ce qu’il aime. De manière plus précise, le stratège cherche à savoir où le consommateur est rendu dans son parcours d’achat. En combinant l’expertise du client sur son produit et ses objectifs d’affaires, le stratège numérique vient identifier les opportunités où rejoindre sa cible et comment.
En deuxième lieu, il est important d’avoir une bonne dose d’humilité. Lorsqu’on est à la tête d’une entreprise, on y met tout son cœur et on croit souvent qu’il s’agit du meilleur produit sur le marché. Une autre conclusion hâtive est de prétendre savoir exactement ce que le consommateur veut. Or, on met souvent de côté le fait que d’autres le font probablement mieux que nous, ou de manière différente. Si on est réellement le meilleur sur le marché, il reste toujours place à l’apprentissage et à l’amélioration.
En observant constamment le comportement des utilisateurs ou des compétiteurs, il devient possible de réajuster le tir et planifier dans une optique de différenciation. L’humilité, c’est donc d’accepter de ne pas être le meilleur, d’avoir des défauts et de vivre dans un environnement compétitif. C’est aussi d’accepter et d’être confortable avec une direction choisie, en étant conscient que ses concurrents prendront une autre direction qui est tout aussi valable pour le consommateur.
L’humilité, c’est donc d’accepter de ne pas être le meilleur, d’avoir des défauts et de vivre dans un environnement compétitif.
La durée de vie des messages est de plus en plus courte. Lancer une stratégie sur des perceptions communes internes représente, d’une part, un choix confortable puisqu’il existe très peu de voix dissidentes. Cela dit, elle représente, d’autre part, un risque énorme puisqu’on omet la voix la plus importante, celle du consommateur, qui lui peut représenter la voix dissidente.
En dernier lieu, je recommanderais de toujours tester et d’ajuster. Il y a trente ans, il était plus compliqué pour une entreprise de changer de direction après avoir réservé son temps d’antenne chez les radiodiffuseurs. Aujourd’hui, plusieurs entreprises profitent de la flexibilité du numérique pour tester plusieurs annonces à des audiences tests. Ils ajustent leurs messages et leurs images en fonction de la rétroaction des utilisateurs envers leurs annonces. Ils limitent ainsi l’impact positif ou négatif du contenu à ce groupe restreint. Finalement, les entreprises peuvent mieux comprendre ce qui plaît au consommateur et diffuser uniquement ce qui a le mieux performé à l’ensemble de leur audience. C’est précisément ce que nous avons accompli avec notre client Lassonde pour un lancement de nouveaux format pour Oasis.
En 2018, les entreprises qui sont bien établies en numérique s’imposent souvent avec une voix forte et unique. Comment une entreprise peut-elle trouver sa propre voix en numérique?
C’est assez difficile de trouver sa propre voix en numérique aujourd’hui. Presque tout a été déployé ou pensé. Trouver sa voix, exprimer ses valeurs et sa mission n’est pas une mince tâche et c’est dans l’exécution qu’il devient possible de se différencier sur le marché. L’expression de la marque passe maintenant par le numérique et c’est en ayant des piliers forts que cela devient intéressant et qu’il est possible de se démarquer.
Un exemple que j’aime utiliser est celui de l’humoriste qui parle de son quotidien durant l’un de ses spectacles. Nombreux sont les humoristes qui parlent de leur quotidien et ils ne seront sûrement pas les derniers à le faire. Cela dit, il y a une grande différence d’interprétation entre celui qui raconte son anecdote de manière saccadée et ironique, que celui qui emprunte un timbre de voix séducteur. Deux personnes peuvent donc raconter la même histoire en empruntant deux créneaux différents et par la même occasion toucher des cibles différentes, ou plaire aux mêmes cibles pour différentes raisons.
Pour les marques, la situation est souvent identique. Nombreuses sont celles qui s’adressent aux mêmes cibles, en racontant des histoires semblables. C’est en trouvant l’exécution créative de ce qu’elles souhaitent raconter qu’elles sortiront du lot et amèneront de la valeur. Je suis d’avis que la créativité a encore énormément sa place en numérique, mais qu’il est désormais possible d’y ajouter une touche de personnalisation à travers les données mises à la disposition des entreprises sur le web pour faire une réelle différence sur le marché.
Envie d’aller plus loin? Découvrez dans cet article des trucs pour établir votre stratégie de contenu en fonction des données sur vos consommateurs. Pour en savoir plus sur notre approche en marque et en contenu, découvrez l’éventail de nos services, ou contactez-nous!