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Commerce électronique au Québec : mes prévisions et souhaits pour 2014
1L’art de la gestion de projet2Un projet à succès commence par une bonne gouvernance3Cascade, agilité, demandes de changement?

Commerce électronique au Québec : mes prévisions et souhaits pour 2014

  • Niveau Technique
Stratégie d'affaires

2013 a brouillé les cartes dans le monde du commerce électronique à plusieurs égards : fusions, acquisitions, internationalisation, systèmes plus diversifiés, concurrence médias/marchands pour l’attention, etc.

 

Il est toujours difficile de faire des prévisions sur l’évolution du commerce en ligne, tellement il évolue rapidement, mais une chose est certaine, les marchands d’ici auront besoin d’être bien prêts pour 2014, car avec l’arrivée d’une compétition de plus en plus dégourdie et diversifiée, l’année risque d’être pleine de défis. Dans un contexte où le commerce électronique a crû de 24% depuis 2010 (comparativement à 6,7% pour la vente au détail en général), les affaires en ligne sont clairement attirantes tant pour ceux qui veulent garder leur place que ceux qui veulent attaquer.

Voici donc huit tendances de fond autour desquelles le commerce électronique au Québec devrait évoluer en 2014.

Some data : les essais empiriques plutôt que les grands principes

Depuis quelques années, tout le monde parle de big data, et en 2013, certain ont aussi proposé des expressions comme small data, smart data, et une foule d’autres termes qui définissent l’utilisation du volume extrême de données disponible autour de l’activité des internautes pour raffiner les expériences en ligne.

2013 a été l’année où tous se sont réveillé et ont lancé des programmes de fidélité et de remarketing, et on y a même vu des acquisitions et des partenariats majeurs qui ont un potentiel énorme dans cette optique. On n’a qu’à penser à Loblaw Companies qui a acquis Shoppers Drug Mart en juillet : imaginez toutes les possibilités de ciblage qui apparaîtront à mesure que les bannières coordonneront leurs initiatives de programmes de loyauté PC Finance, PCPlus et Optimum… (Le partenariat de Shoppers Drug Mart avec Beyond the Rack pourrait aussi mener à des évolutions intéressantes.)

Toutefois, à l’exception de quelques géants, peu d’entreprises ont les ressources requises pour aller jusqu’au bout de leurs ambitions quand vient le temps de croiser les données CRM, celles des médias sociaux, les interactions en ligne et toutes les autres sources d’informations sur les clients (sans compter les barrières légales et organisationnelles). Comme on le voit de plus en plus, la « location » de données de segmentation à un tiers parti et les partenariats permettent à des départements marketing d’accéder à de meilleurs résultats via un bon ciblage sans bouleverser les systèmes d’entreprise.

En 2014, plutôt que de s’attaquer à un problème aussi big, il reste possible de croiser les données les plus faciles à utiliser pour faire quelques campagnes ciblées pertinentes… et juste avec cela, on a tous de quoi s’occuper toute l’année.

La vie privée en question

2013 a aussi été l’année de l’affaire Snowden, qui risque d’avoir de grandes répercussions encore en 2014, au moment où tous doutent des limites de la vie privée en ligne.

Si les annonceurs veulent davantage de bons outils de ciblage et que les consommateurs veulent une offre mieux personnalisée (et s’engagent chaque jour encore plus dans les médias sociaux), la curiosité (nouvellement exposée, mais largement soupçonnée depuis nombre d’années) des gouvernements vient jeter un pavé dans la mare et pourrait rapidement influencer l’évolution de plusieurs outils importants.

Entre autres, cet automne, Google a causé quelques remous dans le monde du référencement et de la mesure de performance, notamment en cessant de partager via Google Analytics les expressions de recherche organique ayant généré des visites (les remplaçant par le fameux « not provided »).

Plusieurs géants du Web (pour la plupart des founisseurs américains pour les détaillants ou des détaillants américains) sont probablement à un carrefour complexe où ils devront décider à quel point ils veulent détenir des données approfondies sur les clients, et comment gérer ces données pour (re)construire la confiance du public face à leurs relations avec le gouvernement américain. Certains vont même jusqu’à dire que le concept de « vie privée » est une anomalie historique.

À partir de 2014, il faudra s’attendre à une nouvelle génération d’outils de mesure et ciblage tenant compte de ce contexte… certaines données risquent de cesser d’être disponibles, et de nouveaux intermédiaires (américains ou non) pour la manipulation de ces données  pourraient devenir attirants pour certains.

… et il y a aussi la loi antispam C-28 qui s’en vient.

Des frais de transaction qui varieront davantage

En 2013, le grand public a définitivement été mis en contact répété avec des technologies de paiement alternatives qui mettent de plus en plus de pression sur les options de paiement traditionnels (comme les banques et les émetteurs de cartes de crédit), notamment le iPhone 5s (avec iOS7, Passbook, iBeacon et un senseur d’empreintes digitales), Square et les Bitcoins (en particulier avec l’affaire SilkRoad).

Dans ce contexte, deux scénarios sont susceptibles de cohabiter en 2014, mais surtout à long terme :

1) Les nouvelles technologies perçoivent une marge supplémentaires sur les paiements qui l’utilisent (comme PayPal le fait depuis une quinzaine d’années), ce que les marchands risquent d’aborder avec une ouverture variable selon les autres avantages du mode de paiement pour eux (Paypal aide tout de même les marchands à identifier les adresses fiables et amène un bassin non-négligeable d’internautes confiants).

2) Les fournisseurs de nouvelles technologies font pression sur les marchands, banques et émetteurs de cartes pour qu’ils réduisent leurs propres frais, au risque d’être expulsés de la chaîne de valeur. Apple pourrait-elle imposer ses propres conditions avec le paiement mobile comme elle l’a fait face aux éditeurs pour inclure les pièces/livres/apps sur iTunes et face aux fournisseurs de sans-fil pour distribuer le iPhone?

Pour les marchands, une maxime classique du commerce électronique demeure : plus de modes de paiement, plus de ventes. Mais il faudra très vite suivre quelles plateformes de paiement se développent et quelles méritent d’être supportées, notamment pour le paiement sur mobile et le paiement via des comptes-utilisateurs Web.

Des partenariats inévitables avec les géants?

De plus en plus de produits se mettent en marché et se distribuent à très gros volume via les canaux propriétaires de quelques géants du Web et du commerce électronique : Apple App store, Fulfillment by Amazon, Magento d’Ebay, Google Product Listing Ads, etc.

Pour les moyens et grands détaillants, faire affaire avec des entreprises qui sont à la fois des partenaires de distribution et des compétiteurs n’est pas toujours intuitif, mais en voyant des percées comme les drones d’Amazon, il est difficile d’imaginer recréer un système logistique aussi unique et complexe, même pour une entreprise de grande taille.

Toutefois, à mesure que l’offre de ces géants et que leurs bases d’utilisateurs s’enrichissent, leur implication devient de plus en plus incontournable pour rester compétitif dans certains verticaux. En 2014, verra-t-on le retour des grands partenariats exclusifs entre des détaillants et des géants du commerce électronique (comme c’était le cas il y a 7-10 ans, quand Amazon opérait des sites pour des marques majeures, qui s’en sont ensuite affranchies)?

Dans ce contexte, 2014 est aussi une occasion rêvée de bien réfléchir sur le modèle d’affaires précis du détaillant, alors que de plus en plus de ses processus-clés peuvent être sous-traités avantageusement (ou non) à ces entreprises.

L’ère des données structurées et des fils de données ?

Depuis longtemps, les places de marché et comparateurs, deux opportunités souvent sous-exploitées par les marchands d’ici, fonctionnent en s’appuyant sur des fils de données-produits.

En 2013, nous avons vu de plus en plus de manufacturiers essayer de mieux contrôler comment leurs produits apparaissaient dans les initiatives en ligne des revendeurs (détaillants et distributeurs), et de revendeurs essayer d’obtenir de meilleures données-produits de leurs fournisseurs.

Dans le contexte québécois, obtenir des données de qualité en français demeure aussi souvent un défi… multiplié avec l’importance actuelle de bien structurer les données-produit.

Dans ce contexte, Google a aussi acquis en 2013 l’entreprise Channel Intelligence, qui rapprochait les marques des détaillants, en fournissant des localisateurs de détaillants aux marques, et des outils de gestion des fils de données aux détaillants. Google a inséré Google Shopping entre ces deux produits, ce qui permet de localiser, à partir du site d’une marque, quel détaillant vend le produit dans les meilleures conditions (prix, livraison, disponibilité, etc.) (J’en glissais un mot à la Journée Infopresse Commerce de détail.)

En 2014, cette tendance devrait s’approfondir : la mise en marché en ligne s’appuie de plus en plus sur des données structurées très à jour. Car même la meilleure campagne de marque atteindra vite ses limites si le client ne peut arriver rapidement au détaillant qui propose la meilleure offre.

De plus, il ne servira à rien d’avoir les meilleures données de segmentation sur les clients… si elles ne sont pas croisées avec des données-produits à la hauteur, c’est-à dire suffisamment structurées pour tolérer un brin d’automatisation.

Gestion de l’expérience-client multi-plateformes

Depuis quelques années, certains des CMS les plus en vogue sont graduellement devenus des CXM, si bien qu’en 2014, les marchands sérieux ne devraient plus gérer leur site en parlant de sections et de pages, mais plutôt d’offres qui se formulent et se combinent automatiquement pour s’adresser à la situation précise de l’internaute auquel ils s’adressent (ex.: il aime notre marque sur Facebook, il magasine surtout des rabais, et il a acheté 3 fois dans la dernière année, il a cliqué sur telle bannière plutôt que telle autre, etc.)

À cet égard, en 2014, on ne devrait (idéalement) plus voir des clients et des agences débattre de la mise en page idéale pour une page d’accueil… parce que cette page ne devrait plus être unique, mais s’adapter automatiquement à une diversité de contextes. Au moment de magasiner une plateforme e-commerce, ses capacités d’automatisation marketing devraient être une préoccupation importante.

Encore une fois, des données structurées fiables sur les clients et les produits seront la pierre angulaire de cette évolution.

Design Web adapté au processus de mise en ligne

Dans ce contexte de design d’expérience, 2013 a été une année importante pour les outils en ligne de design et de création pour le Web. On y a vu arriver sur le marché l’outil Google Web Designer , ainsi que la première nouvelle version d’Adobe Creative Suite qui n’était disponible que sur Adobe Creative Cloud.

Ce ne sont là que deux lancements majeurs qui indiquent une migration vers des outils de création vraiment adaptés au processus de publication en ligne.

De notre côté, nous avons travaillé sur plusieurs projets en design adaptatif (responsive design), comme les sites primés de la STM, de Tourisme Îles-de-la-Madeleine (ainsi que quelques autres), et, au même moment, l’article “Design Web : Est-ce la fin de Photoshop?” du collègue Etienne a généré beaucoup d’attention.

En 2014, il n’y aura plus d’excuses pour créer des sites et campagnes sur des outils qui ne supportent pas les possibilités du Web actuel, comme des bannières qui s’ajustent en fonction du contexte de navigation, des mises en page adaptatives qui supporteront déjà des appareils mobiles qui n’existent pas encore, des étiquettes en lieu de vente générées automatiquement à partir des données d’un site Web, etc.

Une certaine maturité?

2014 ne devrait pas manquer d’opportunités et de défis pour les entreprises québécoises qui font du commerce électronique.

Par contre, pour une fois, il n’y a pas une percée technologique majeure qui se dessine comme étant LA tendance 2014, et c’est tant mieux pour tous ceux qui sont allergiques aux buzzwords. Au contraire, on voit une foule de détails se perfectionner, de tâches ingrates être finalement attaquées, et plusieurs modes bruyantes se transformer en courants qui cohabiteront entre eux.

Peut-être s’agit-il d’un signe que le marché de la vente en ligne arrive (enfin) à un semblant de maturité?

Après tout, Amazon a commencé à vendre des livres en ligne il y a plus de 18 ans.