3 min.
Combler le fossé entre le commerce en ligne et une véritable transformation numérique : 8 défis majeurs pour les commerçants
1L’art de la gestion de projet2Un projet à succès commence par une bonne gouvernance3Cascade, agilité, demandes de changement?

Combler le fossé entre le commerce en ligne et une véritable transformation numérique : 8 défis majeurs pour les commerçants

  • Niveau Technique
Commerce électronique Innovation Stratégie d'affaires

Les détaillants font face à de nombreux défis au moment d’ajouter un canal de vente en ligne, tel la construction d’un site web transactionnel, l’intégration de celui-ci dans leur système opérationnel et la mise sur pied d’un plan de marketing en ligne.

 

Toutefois, les plus grands défis surviennent lorsqu’ils commencent à s’attendre à obtenir une croissance significative issue de leur canal en ligne et commencent à mettre en place de vraies stratégies omnicanales.

Mon travail de consultation auprès de marchands B2B et B2C et mes discussions avec des étudiants en Stratégie e-commerce à HEC Montréal m’ont permis de réaliser que le défi commun des commerçants est d’accepter pleinement les avantages stratégiques uniques du commerce en ligne (e-commerce) plutôt que d’essayer de répliquer en ligne les stratégies utilisées dans la vente au détail en magasin.

Voici 8 défis stratégiques que les commerçants doivent surmonter afin de contrôler leur propre transformation numérique avant d’être perturbés par leurs compétiteurs… ou leur propre clientèle.

 

1 – Rejoindre de nouveaux clients

 

L’accès à de nouveaux marchés et à une nouvelle clientèle, surtout au marché international, est un facteur de croissance clé pour de nombreuses entreprises de commerce en ligne; le fait d’être en ligne permet de rejoindre toute personne qui comprend la langue du site et qui pourrait être intéressée par ce qu’il offre.

Les détaillants du Québec ne comptent que pour 1,7 milliard de dollars des 6,6 milliards d’achats en ligne effectués par les Québécois et les détaillants québécois ne vendent que pour 600 millions de dollars à l’extérieur de la province. C’est un écart gigantesque.

Malheureusement, plusieurs détaillants bâtissent leur présence en ligne en vue de « mieux servir leurs clients », mais ne réalisent pas que leur base de clients en ligne pourrait être beaucoup plus grande ou même complètement différente (pensez meilleur focus ou alors accès à une masse critique d’un ensemble démographique spécifique, etc.)

 

2- Réorienter la gamme de produits

 

La capacité de mettre en marché un très grand nombre de produits, incluant le long tail (allée sans fin), et de satisfaire pleinement des marchés nichés constitue un autre chemin vers le succès de la vente en ligne qui ne pourrait jamais être réalisé hors ligne.

Puisque les pages de commerce en ligne sont moins dispendieuses que de la surface en magasin, le fait d’offrir plus de produits ajoute des points d’entrée vers un catalogue en ligne (générant ainsi du trafic ciblé de moteurs de recherche et des pages de destination pour des campagnes) et permet de vendre exactement ce que le client recherche (avec une marge plus élevée).

Le défi principal ici est de faire en sorte que les équipes de commerce en ligne travaillent avec les gestionnaires en approvisionnement et les gestionnaires de catégories afin d’ajuster les cycles d’achat/rabais à cette nouvelle réalité.

 

3- Créer des partenariats avec des fournisseurs pour assurer la disponibilité et la rapidité

 

Afin de pleinement profiter des stratégies d’allées sans fin, certains détaillants peuvent être en mesure de mettre en place des stratégies d’approvisionnement « juste à temps », d’intégration d’inventaire avec des fournisseurs ou de dropshipping (expédition directe)pour vendre des produits qui ne sont pas (et qui ne seront jamais) dans leur inventaire d’entreprise. Si le client ne peut toucher le produit avant de le commander, il n’a donc pas besoin de savoir d’où il sera expédié !

Ces intégrations pourraient requérir différents partenariats et de l’automatisation qui ne sont pas typiques dans les prévisions/négociations/cycles d’achat au détail plus traditionnels.

De plus, les commerçants doivent prendre leurs distances face au paradigme booléen en stock/rupture de stock et adopter une philosophie basée sur les délais de disponibilité : « En stock, expédition jour même », « Quantités limitées », « En stock, livraison 48 h » (ce qui implique : expédié à partir d’un autre entrepôt/magasin de notre réseau), « Disponible en 2-3 semaines » (ce qui implique : de notre fournisseur), etc. Ces différents types de disponibilité existaient déjà pour la plupart des commerçants bien avant l’arrivée du commerce électronique ; pourquoi donc ce dernier devrait-il se limiter à un seul « inventaire en ligne » ?

Après tout, certains clients accepteront d’attendre quelques jours de plus (ou même de payer plus) pour obtenir exactement ce qu’ils désirent car ils magasinent en ligne précisément parce que le commerce en ligne leur offre la plus grande sélection de produits.

 

4- Intégrer les magasins dans les processus de commerce en ligne

 

La logistique omnicanale peut apporter des solutions supplémentaires en utilisant le personnel et l’inventaire en magasin pour compléter des commandes via des mécanismes « d’expédition à partir du magasin » ou en attirant les clients dans les magasins grâce à des approches «réserver en magasin » ou « d’expédition au magasin ». Dans plusieurs cas, le fait d’avoir un site de commerce en ligne performant est encore une des meilleures façons d’attirer les clients… en magasin.

5- Attribution et incitatifs visant le succès omnicanal

Même si au niveau corporatif, ces approches omnicanales offrent des avantages indéniables, une attribution juste des résultats et des coûts des transactions omnicanales est la clé du succès de ces programmes. C’est là où une structure KPI (indicateurs de résultats) pertinente et des pratiques d’analytique de pointe prennent toute leur importance.

La plupart des détaillants qui détiennent des franchises ou offrent des commissions de ventes doivent aussi gérer des intérêts additionnels de la part de ces partenaires. Et c’est sans oublier les retours omnicanaux qui doivent aussi être traités !

 

6- Suivre le parcours du client afin de mettre à profit le showrooming et le webrooming

 

Comme la plupart des détaillants le savent déjà, les magasins de surface conserveront une place unique dans le futur de la vente au détail, notamment à cause du contact physique avec le produit qu’un magasin offre au client. L’expérience peut être enrichie en permettant aux visiteurs du magasin de commander des articles en ligne directement à partir du magasin (une excellente façon de mettre à profit les stratégies d’allées sans fin).

Puisque certains points de vente doivent faire face au showrooming (un mot inquiétant pour les commerçants, mais une façon pratique de magasiner pour les clients), il sera de plus en plus nécessaire de surveiller le comportement du client omnicanal afin d’améliorer le service global et d’harmoniser les incitatifs du personnel/de la direction avec les initiatives visant à amener de la valeur à long terme autant au détaillant qu’à sa base de clientèle.

Certains commerçants découvriront aussi que plusieurs (même la plupart) des visites en magasin sont issues de visites antérieures du site web.

 

7- Optimiser plutôt que surplanifier

 

La capacité de continuellement optimiser de nombreuses campagnes de marketing en ligne selon leurs résultats en temps réel : plutôt que d’établir des budgets rigides plusieurs mois à l’avance, un détaillant en ligne expérimenté préfèrera établir un tarif publicitaire spécifique à payer par vente (pour un produit spécifique) afin de garantir un retour sur investissement positif… et laisser les campagnes se poursuivre tant que le retour demeure satisfaisant.

Un marketing automatisé deviendra aussi probablement la norme, allant des courriels ciblés au remarketing publicitaire.

 

8- Numériser le bagage d’expérience seulement si c’est avantageux

 

Tout cela souligne le fait que le commerce en ligne et les magasins font face à des défis économiques fondamentalement différents. Un détaillant fort d’une présence physique de plusieurs décennies s’est bâti de nombreux services à valeur ajoutée dans sa proposition de valeur en ligne (ex. un personnel bien informé, des événements spéciaux, des programmes d’essai ou de location, des garanties, des réparations, de la configuration, de la formation, du financement, etc.)

Ces services uniques sont habituellement plus difficiles à faire migrer en ligne (surtout à l’international) et les détaillants devront faire face à un dilemme très difficile lors de l’adoption du commerce en ligne : quels aspects de ce bagage d’expérience sont véritablement essentiels au client en ligne ? Et si nous n’offrons pas ces services, comment arriverons-nous à nous démarquer d’Amazon ou de tout autre détaillant en ligne ?

Les stratégies qui peuvent vraiment faire une différence sont, dans la plupart des cas, celles qui sont les plus perturbatrices. Les équipes numériques et de commerce électronique doivent se méfier de toute demande d’implémentation qui vient avec un « cela a toujours été fait ainsi dans notre domaine » et aider leur organisation à sortir de leur présence en ligne initiale ; toutefois, l’étape suivante de la transformation numérique constituera un défi pour tous les membres de l’organisation, de l’approvisionnement aux ressources humaines et de la logistique aux gérants en magasin.

 

Source: Jean-Guy Côté, Mia Homsy, Jacques Nantel et Sonny Scarfone, Le commerce en ligne au Québec : passer du retard à la croissance, Montréal, Institut du Québec, 2015, p.1. Available at https://www.conferenceboard.ca/Libraries/PUBLIC_PDFS/7639_Commerce-en-ligne_IdQ_RPT.sflb .