Pourquoi le «Data-Enabled TV» est l’avancée la plus importante depuis la publicité programmatique
Certains tendent à croire que la télévision est un média en déclin. Mais en regardant les chiffres avec un peu plus d’attention et de recul, on en arrive à une conclusion toute autre. Apprenez-en plus dans cette analyse de fond.
Lorsqu’on pense aux canaux de diffusion traditionnels comme l’imprimé, la télévision, la radio et l’affichage, il semble que la télé soit celui qui est le moins affecté par le déplacement des budgets de publicité en numérique. Les grandes marques continuent d’injecter d’importantes parts de leur budget en publicités télévisuelles.
Néanmoins, cette réalité connaît une métamorphose rapide, et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, comme plusieurs d’entre vous le savent, 2017 était la première année de l’histoire où la publicité numérique a battu la télé en matière de budget média dépensé par les marketeurs. En fait, c’est exactement ce qui avait été prédit par eMarketer en 2016.
Mais gardez en tête que ces chiffres peuvent être trompeurs si on les regarde hors contexte et sans analyse exhaustive. Si certains spécialistes du marketing numérique parmi nous croient que les clients vont déplacer leurs budgets médias de la publicité télé vers des bannières 300×250, la réalité pourrait les surprendre. C’est en fait loin d’être le cas.
Dans les faits, cette hypothèse résulte d’une mauvaise lecture des tendances actuelles. Ce qui se passe en réalité, c’est que la télévision elle-même se métamorphose et connaît aujourd’hui sa propre transformation vers le numérique. En vérité, une partie significative du budget qui passe de la télé vers le numérique est en fait un budget normalement dépensé en télé traditionnelle qui est converti en budget pour la télé numérique ou pour des plateformes vidéo en ligne.
Une transformation similaire a lieu avec la radio traditionnelle et l’affichage, qui se métamorphosent pour trouver leur place dans le flux numérique. Par conséquent, les experts du marketing numérique et les agences médias doivent être informés de cette transformation et doivent l’embrasser s’ils souhaitent en tirer plein potentiel.
Les facteurs suivants devraient vous faire comprendre clairement pourquoi la télé n’est pas un média en voie d’extinction, et pourquoi, au contraire, sa résurrection numérique pourrait bien la rendre plus importante que jamais.
Les frontières entre le traditionnel et le numérique s'estompent
Voici un extrait tiré d’un webinaire IAB, réalisé en collaboration avec Videology, Adobe et AOL :
Des apps aux services par contournement (OTT) en passant par les appareils mobiles, les nouvelles avancées en technologie et en diffusion de contenu ont estompé la frontière entre la télé et la vidéo numérique. La télé a trouvé et commence à adopter un accès à ce qui rendait le numérique si puissant : la possibilité de mesurer et de segmenter ses données avec une plus grande précision. Les acheteurs en télé peuvent maintenant appliquer d’importants ensembles de données à leur stratégie, ce qui leur permet de comprendre leurs consommateurs bien au-delà des données démographiques traditionnelles comme l’âge et le sexe.
Au Canada, il semble que 2018 soit l’année où les grands réseaux comme Rogers, Corus, Bell et Vidéotron commencent à déployer sur le marché une offre plus sérieuse conçue pour la télévision enrichie par les données (appelée DETV, pour Data-Enabled TV). Attention, ce modèle a faussement été identifié par certains comme étant de la programmatique. En fait, pour le moment, il n’y a rien de vraiment programmatique à propos de la DETV, ou du moins, pas du côté publicitaire. L’inventaire publicitaire n’est pas en temps réel, et il n’y a pas de moteurs d’enchère ni de demandes d’enchères dans le processus d’achat.
Ce qui caractéristique la DETV, c’est simplement la possibilité de cibler des publics bien plus segmentés avec la publicité télé. Par exemple, plutôt que d’acheter des PEB basés sur les données démographiques, l’âge et la situation géographique, qui sont tirés de sources traditionnelles bien établies comme Numeris, on peut maintenant ajouter les intérêts, les tendances comportementales, les intentions d’achat, etc. Ceci ouvre aussi la porte pour les publicitaires à la possibilité de synchroniser leurs données propriétaires sur leurs publics avec les réseaux de DETV à travers leur plateforme de gestion de données (DMP).
Essentiellement, ça fonctionne de la façon suivante : l’inventaire télé de joueurs comme Rogers est maintenant intégré avec des infrastructures technologiques de publicité vidéo comme Videology. Cette intégration permet de connecter la publicité télé avec de nouvelles sources de données comme des fournisseurs de données third party, ou encore les données first party de Rogers/Bell/Vidéotron, qui peuvent être combinées à travers tous les appareils pour découvrir ce qu’un segment de public écoute réellement à la télé. Considérant la quantité faramineuse de données qui sont entre les mains des compagnies de télécommunication, les capacités potentielles de ciblage de ce média ne devraient pas être prises à la légère par les spécialistes du marketing.
Dans les faits, votre plan média télé risque d’avoir un moins grand inventaire premium. Toutefois, vous pouvez maintenant cibler un auditoire beaucoup plus précis, comme les fashionistas, les entrepreneurs, les amoureux du voyage, etc.
Tout ça ressemble beaucoup à ce qui s’est passé avec Display, il y a environ dix ans. À l’époque, on ciblait chaque visiteur d’un site contextuellement pertinent. Par exemple, une compagnie comme Air Canada présentait ses bannières sur Tripadvisor. Maintenant, on affiche selon l’auditoire et cible des internautes précis dans tous les environnements sécuritaires pour la marque où nous pouvons les trouver. La télévision se transforme et vit une métamorphose similaire, avec tout le pouvoir lié à l’attention inhérente à un média où se jouent plusieurs milliards de dollars. Intéressant!
La «nouvelle télé» n’est plus qu’un téléviseur
Dans un livre blanc intitulé The Evolution of TV and Video Across All Screens, Google aborde la télévision avec une approche brillante : au lieu de la discréditer et de minimiser son importance par rapport au numérique, la géante entreprise californienne choisit de jouer un rôle actif dans le développement de ces technologies média, notamment avec DoubleClick, pour se positionner comme leader de la «nouvelle télé».
C’est à mon avis l’approche que nous devrions aussi avoir en tant que marketeurs, planificateurs média et acheteurs média. En combinant les données de la TV traditionnelle à celles de la TV numérique, l’analyse des résultats devient encore plus précise, et les campagnes, encore plus performantes. Cette citation de Google exprime bien le genre de discours à tenir :
Alors que les téléspectateurs se tournent vers l’offre en ligne, les services par contournement et les appareils connectés, les modèles de mesure de l’auditoire doivent évoluer. Dans notre dernier article sur l’évolution de la télévision, nous explorons comment les données provenant des cotes d’écoute télévisuelles combinées à celles de sondages numériques permettront aux marketeurs de comprendre le rendement publicitaire dans ses moindres détails.
Comme nous le mentionnions plus tôt, quand on jette un œil au tableau eMarketer présenté ci-dessus, le contexte est absent et le tableau ne prend pas en considération le petit astérisque (*) à côté des chiffres de télé qui dit « exclut la portion numérique ». C’est un facteur significatif à aborder dans notre analyse.
Bref, les chiffres qu’on voit dans le tableau ci-dessus concernent seulement la télévision traditionnelle, et par conséquent, la télévision non-numérique. De l’autre côté, les statistiques à la hausse du numérique incluent la vidéo, et donc, toutes les formes de télévision numérique comme la télévision connectée, la DETV, la télévision programmatique et la télévision avec ciblage enrichi (laquelle connaît un essor rapide en tant que format vidéo numérique, et vous pouvez en apprendre plus sur la question en lisant cet excellent article de Google).
Pour citer Google à ce propos : la consommation de télévision se transforme de plus en plus en expérience vidéo numérique.
La télévision est maintenant mobile et sociale
La télévision se consommme maintenant sur une multitude d’appareils. Entre aujourd’hui et 2020, les investissements en publicité mobile inclueront en grande partie la vidéo en format numérique. Comme savent les accros de Netflix, il est maintenant possible de commencer une série sur grand écran dans le confort de son salon, puis de poursuivre sur son téléphone le visionnement du même contenu exactement là où on l’a interrompu avant de partir travailler.
Les applications de streaming comme Popcorn Time, TubiTV et Crackle offrent une alternative gratuite à Netflix en échange de publicités, occasionnant ainsi une plus grande part d’investissements médias dans des campagnes multi-écrans. Nous savons aussi qu’Amazon tente aussi de profiter de cette opportunité en capitalisant sur sa plateforme Prime Video, une solution soutenue par la publicité et faisant concurrence à Netflix, en plus d’avoir acheté Hulu pour gagner encore plus de parts de marché.
Facebook, l’autre géant endormi de la vidéo, prend actuellement des mesures radicales pour regagner du terrain. Son tout nouveau projet Facebook Watch cherche à réinventer la manière dont les gens consomment la télé avec une gamme d’émissions interactives. Facebook a aussi déployé des méthodes pour croiser ses données avec la performance de campagnes télé pour en mesurer l’effet combiné. Cette analyse permet la fusion des données issues de la télé et des médias sociaux, permettant de mesurer les résultats d’une campagne télé enrichis de signaux d’engagements sociaux. D’autre part, Instagram, qui vient de lancer IGTV pour des vidéos aux formats longs, devrait contribuer à augmenter encore plus la part des visionnements de vidéos qu’obtient l’application.
Snapchat tente également de faire sa place en tant que créateur de séries de contenu vidéo. L’entreprise a récemment annoncé l’expansion de sa programmation originale à des séries de docudrames des productions Bunim-Murray. Son intention : démocratiser la création d’émission et la rendre accessible aux créateurs de contenus, plutôt que d’être réservée aux grands réseaux comme NBC.
Bien sûr, YouTube est «l’éléphant dans la pièce» de la vidéo numérique. Chaque année, l’application gagne un peu plus de temps de diffusion sur le téléviseur principal du salon de chaque famille. YouTube est aussi important sur mobile que l’est Facebook, et procure une expérience multiplateforme facile et agréable pour les utilisateurs.
Dans une étude récemment publiée par Hanapin Marketing intitulée «The State of Paid Social», la popularité croissante de YouTube ne montre aucun signe de ralentissement en 2018 :
YouTube a acquis une immense popularité au cours des dernières années. La plateforme répond à la demande des utilisateurs pour des vidéos courtes et accessibles sur mobiles, tout en allant rejoindre le public de la télévision.
Voici quelques points à retenir :
- Une bonne partie de la programmation et du contenu vidéo où la publicité paraît sera produite sur les médias sociaux (YouTube fait partie des médias sociaux, en passant!);
- Une importante part des publicités présentées au sein de cette programmation de vidéos sur les médias sociaux sera créée par des gens ordinaires qui utilisent les médias sociaux;
- Une large portion de ce contenu sera partagée et consommée sur les médias sociaux, tant sur les appareils mobiles que sur le téléviseur.
Quand on tient compte du numérique, la télé est maintenant plus écoutée que jamais!
En comparant tableau d’eMarketer à cette recherche de Zenith/Magna, on constate que la publicité mobile vient ronger la part qui revenait à celle sur ordinateur, et ce, beaucoup plus que celle consacrée à la télé.
On peut donc s’appuyer sur ces chiffres pour affirmer que la publicité mobile est le segment en plus forte croissance. Mais ce qui est intéressant, c’est que la télé arrive tout de même en deuxième place!
Une croissance modeste, quoique stable, peut aussi être observée pour l’affichage, la radio et même le cinéma. Les médias les plus affectés par l’essor du mobile en termes de croissance linéaire (qui est différente de la croissance proportionnelle) sont la publicité numérique sur ordinateur, les journaux et les magazines. En fait, c’est la publicité sur ordinateur qui essuie le plus gros coup. Et… c’est numérique.
En termes linéaires et très stricts, la télé maintient globalement sa stabilité en investissements par rapport à elle-même à travers le temps. Comme mentionné précédemment, elle gagne même en investissements relativement à elle-même au fil du temps.
Ce que le tableau ci-dessus n’illustre pas, c’est la proportion des dépenses en numérique qui ira vers la télé ou vers des chaînes similaires à la télé, comme les applications de streaming ou le DETV. Quand on regarde les choses sous cet angle et qu’on fait la somme des chiffres du volet numérique et du volet traditionnel, la télévision pourrait en fait devenir plus importante que jamais, en grande partie grâce au mobile.
Que nous réserve l'avenir?
En conclusion, le nouveau visage de la publicité télé est très prometteur pour les spécialistes médias du monde numérique. Alors qu’une quantité croissante de données commencent à alimenter le contenu vidéo et que l’inventaire publicitaire télévisuel est de plus en plus enrichi de données, nous allons peut-être commencer à voir les publicités télé comme un véhicule pour la marque, mais aussi pour la performance et le reciblage, afin d’augmenter le taux de conversion publicitaire. Imaginez une infopublicité, mais sur les stéroïdes 😉
Les experts de la publicité numérique qui méprisent la télévision traditionnelle le font par peur de jeter le bébé avec l’eau du bain. Les médias numériques devraient au contraire s’approprier ce nouveau visage de la télévision, puisque cette transformation risque fort bien d’être parmi les plus importantes, si pas la plus importante, de celles qu’a subies le monde des médias numériques depuis la venue des publicités par bannières programmatiques, il y a de ça une décennie. Êtes-vous prêt pour ce grand virage?