Quelles normes encadrent les pratiques de marketing d’influence au Canada?
Grâce à leurs communautés fortes et engagées, les influenceurs et les youtubeurs offrent aux marques des opportunités marketing si intéressantes qu’on pourrait aujourd’hui parler d’une véritable industrie de l’influence. Les questions concernant la qualité des contenus, la sélection des communautés et du Brand Fit pour les marques ont déjà largement été couvertes. Aussi, bien qu’elles ne soient pas encore unanimes, les bonnes pratiques des compagnies envers les influenceurs ainsi que des influenceurs envers leurs publics ont évoluées et se sont raffinées au cours des dernières années, suivant l’évolution du phénomène d’influence 2.0.
Mais qu’en est-il des normes qui encadrent ces pratiques commerciales? Où en sommes-nous, au Canada?
Lors de la conférence Youtubers et influenceurs web présentée par Infopresse le 21 septembre 2016, le sujet a été soulevé dans une table ronde avec des acteurs de l’industrie et Danielle Lefrançois, Directrice des communications aux Normes canadiennes de la publicité (NCP).
« Je représente les Normes canadiennes de la publicité aujourd’hui, donc probablement la partie la moins sexy de cette conférence », a-t-elle affirmé d’entrée de jeu. Pourtant c’est avec intérêt que j’ai écouté ses propos, résumés ici :
- Les Normes canadiennes de la publicité, c’est d’abord un organisme d’autoréglementation, qui administre une éthique et qui gère les plaintes des consommateurs et des compagnies envers d’autres compagnies;
- Le code d’éthique est en place depuis plusieurs années, mais des mises à jour sont fréquemment effectuées pour s’ajuster aux nouvelles réalités. D’ailleurs, des mises à jour ont été faites au cours des derniers mois pour se positionner face au marketing d’influence;
- Il est important de se mettre dans la peau du consommateur. On a beaucoup abordé l’angle marketing des partenariats avec les influenceurs en parlant de Brand Fit ou d’agencement naturel entre les marques et les influenceurs, mais c’est justement ce qui devient difficile à déceler pour le consommateur;
- La force des influenceurs est ce lien pratiquement direct et authentique qu’ils entretiennent avec leurs fans, mais ça vient en contradiction avec le fait que parfois, ils sont payés pour leur parler d’un produit. Ça peut biaiser les liens et le consommateur peut se sentir floué;
- S’il y a un lien contractuel entre un annonceur et un youtubeur ou un influenceur, ce lien doit être annoncé, clairement divulgué. Et non, un hashtag n’est pas suffisant (#promoted, #ad, #pub);
- Le fait de divulguer que le contenu est publicitaire n’enlèvera pas l’authenticité à l’influenceur, au contraire, sa transparence pourrait être mieux perçue qu’un placement secret.
Mme Lefrançois a terminé sa présentation avec un exemple concret :
« Je me suis déjà fait inviter par une amie pour un souper et finalement, arrivée sur place, j’ai réalisé que c’était un souper de vente commerciale. Je me suis sentie flouée et mes rapports et ma confiance avec cette amie ont été marqués par cet événement. C’est exactement la même chose avec un influenceur et son public ».
Suite à cela, j’ai eu la chance de m’entretenir avec elle pour lui poser quelques questions supplémentaires :
Sur quoi se basent les NCP pour encadrer les liens matériels entre les marques et les influenceurs?
En général, on se fie à la FTC (Federal Trade Commission) qui a un livret complet sur le sujet et qui stipule que les ententes commerciales doivent être visiblement et clairement mises en evidence dans le contenu de l’influenceur, Il faut que le consommateur soit au courant et que ça ne laisse place à aucune ambiguïté.
Est-ce que votre organisme fait de la surveillance des compagnies canadiennes?
On ne fait pas de surveillance ou de monitorage, on réagit aux plaintes qu’on reçoit.
Est-ce que NCP a le pouvoir de sévir auprès des fautifs?
Notre rôle est avant tout de responsabiliser les annonceurs, contrairement à la FTC aux États-Unis qui elle, est en pouvoir de punir les fautifs. Nous allons donc informer l’annonceur, mais nous demeurons un organisme qui opère avec un principe d’autoréglementation.
Sur le portail des Normes canadiennes de la publicité, on retrouve sensiblement la même information : « Si le Conseil détermine que la publicité contrevient à un ou plusieurs articles du Code, il retiendra la plainte. L’annonceur est alors prié de modifier ou de retirer sa publicité ».
Qui sera visé par une remise à l’ordre? L’annonceur, l’influenceur ou les deux?
Si on considère qu’il y a un comportement fautif, on ira directement renseigner l’annonceur.
Finalement, en faisant une recherche des termes Facebook, Twitter, Instagram, Youtube, blogue, influence et influenceur dans la banque de données des plaintes contre la publicité enregistrées aux NCP entre le premier trimestre de 2004 et le premier trimestre de 2016, aucune plainte portant sur le marketing d’influence ne semble avoir été enregistrée, une chose qui pourrait changer dès 2017, alors que les changements apportés au code d’éthique des NCP entreront en vigueur.
Et vous, que pensez-vous du positionnement des Normes canadiennes de la publicité à ce sujet?