Prioriser les données, ça signifie surtout mettre les individus au premier plan
Cet article constitue le deuxième volet d’une série portant sur les différentes manières d’inspirer la discipline dans votre entreprise. Lisez ici le premier volet.
Souvenez-vous de notre formule simple : stratégie + discipline = résultats. Dans un environnement en constante évolution et de plus en plus compétitif, les chefs d’entreprise font face à de nouveaux défis. Ils doivent adapter le fonctionnement de leur entreprise et leur style de gestion afin d’encourager l’émergence de nouvelles façons de penser au sein de leurs équipes.
Dans cet article, nous explorerons plus en profondeur les notions de discipline et de processus décisionnel centrés sur les données – des concepts-clés de la transformation numérique, que nous avons abordés dans l’article précédent.
Comment les dirigeants peuvent-ils guider efficacement leurs équipes vers une nouvelle phase de l’ère numérique ?
L’explosion de la quantité de données disponibles nous propulse vers une nouvelle ère dans le monde des affaires – une ère d’innovations basées sur les faits, de nouvelles idées et de nouveaux modèles d’affaires soutenus par des données vérifiables. Stimulées à l’idée d’accroître la satisfaction des clients, de rendre leurs opérations plus efficaces et d’améliorer leurs stratégies, les entreprises accumulent des données, investissent dans de nouvelles technologies et ne lésinent pas sur les dépenses pour acquérir de nouveaux talents dans le domaine analytique. Malgré cela, pour plusieurs compagnies, l’établissement d’une culture d’entreprise forte basée sur les données demeure difficile d’atteinte. Les données à elles seules constituent rarement une base solide pour un processus de prise de décisions efficace.
Pourquoi est-ce si compliqué?
Grâce à notre expérience avec des clients issus de domaines variés, nous avons appris que les obstacles les plus importants à l’établissement d’un processus de prise de décisions centré sur les données ne sont pas techniques, mais culturels. Apprendre comment inclure les données dans la prise de décisions est relativement simple, mais faire en sorte que les employés le fassent de manière systématique, c’est beaucoup plus difficile. La transformation des mentalités, de même que l’écart entre les habiletés et les connaissances des employés de longue date et les nouvelles façons de faire, représentent des défis de taille.
Voici quelques conseils pour vous aider à mettre en place et à maintenir une culture d’entreprise qui place les données au cœur de son fonctionnement.
1. La mise en place d’une culture d’entreprise centrée sur les données, ça se fait de haut en bas.
Les entreprises qui placent les données au cœur de leur culture sont souvent dirigées par des leaders qui établissent clairement l’importance de s’arrimer à des données lors de la prise de décisions. Ils prêchent par l’exemple pour montrer que ce type de processus doit constituer la norme, et non l’exception. Dans les grandes entreprises du secteur des technologies, les dirigeants débutent chaque journée en lisant les résumés détaillés de différentes propositions et s’intéressent aux données qui les soutiennent afin de prendre des décisions informées. Ce type de pratique a une influence sur les façons de faire à tous les niveaux de l’entreprise, puisque les employés savent que s’ils veulent être pris au sérieux, ils doivent parler la même langue que les dirigeants. Ainsi, en montrant l’exemple, les dirigeants peuvent promouvoir des transformations substantielles à l’échelle de l’entreprise.
2. L’objectif principal des données doit être de soutenir les processus d’affaires de l’entreprise.
Un processus d’affaires, c’est tout simplement un ensemble d’activités qui permet à une organisation de créer un service ou un produit à l’intention d’un client. Les données permettent à l’organisation de mieux comprendre chaque activité du processus d’affaires afin de rendre celui-ci plus efficace et plus performant. De manière générale, ces processus sont là pour soutenir les objectifs d’affaires. Par exemple, un processus d’affaires simple pourrait être « Acquérir un client ». Il est important de retenir deux mots-clés ici, soit efficacité et performance. Les données doivent permettre à l’entreprise de générer des insights exploitables afin d’optimiser ses processus pour mieux atteindre ses objectifs d’affaires. En bref, les données permettent à l’entreprise de prendre de meilleures décisions en vue d’améliorer ses opérations.
3. Chaque nouvelle initiative d’analyse de données doit répondre à un problème précis.
Tout commence toujours par un problème d’affaires. Dans son livre intitulé Modern Analytics Methodologies: Driving Business Value With Analytics, Michele Chambers explique que pour accroître la valeur de votre entreprise grâce à l’analyse de données, il faut :
- se concentrer sur un objectif d’affaires (par exemple, réduire les pertes ou augmenter l’efficacité);
- identifier un processus d’affaires lié à cet objectif dans votre chaîne de valeur (selon la chaîne de valeur de Porter);
- identifier, à l’intérieur de ce processus d’affaires, les activités-clés qui doivent être améliorées.
Examinons un exemple concret :
- Objectif d’affaires : Réduire le coût d’acquisition, c’est-à-dire le montant dépensé pour acquérir un nouveau client.
- Processus d’affaires : Acquisition de clients (marketing et ventes)
- Activité-clé : Gestion des campagnes d’acquisition
Une fois que la ou les activités-clés sont identifiées, il faut les analyser et trouver les points susceptibles d’être améliorés grâce aux données et aux insights. La mise en place de ce type d’initiatives nécessite souvent une démonstration de faisabilité qui, elle, demande une analyse de rentabilisation doublée d’hypothèses réalistes. Toutefois, il est possible que vous n’ayez pas à faire une analyse de rentabilisation si les dirigeants de l’entreprise sont prêts à soutenir votre démonstration de faisabilité.
4. Les données mesurées doivent être sélectionnées avec soin.
Les leaders peuvent exercer une grande influence sur les comportements en sélectionnant avec soin quoi mesurer et quelles données seront analysées. Supposons qu’une entreprise soit en mesure d’améliorer sa portée et son positionnement de marque en anticipant l’engagement des clients avec la marque et les produits. Eh bien, c’est possible en analysant la bonne unité de mesure : l’indice d’engagement des clients. L’engagement, c’est beaucoup plus qu’un clic. Ça inclut chacune des étapes du parcours client, du contact initial jusqu’au produit. En ce sens, l’objectif de l’équipe devrait être de faire des prédictions de manière continue en ce qui concerne la magnitude et la direction du client dans le parcours. Dans un deuxième temps, elle devra mesurer la qualité et la précision de ces prédictions afin de les améliorer.
5. Vous gagnerez à élaborer une démonstration de faisabilité.
Parfois, élaborer une démonstration de faisabilité est la seule manière de démontrer que les données et les insights peuvent ajouter de la valeur à l’entreprise. Comme lors d’une expérience scientifique, vous devrez formuler une hypothèse et, à partir de celle-ci, inférer les bénéfices potentiels pour l’entreprise. Soyez réaliste et n’exagérez pas les bénéfices liés aux résultats de votre expérience.
Le processus prend la forme d’une analyse de rentabilisation.
Avant d’élaborer votre démonstration de faisabilité, il est important d’évaluer vos capacités d’analyse, comme le recommande Thomas H. Davenport dans son livre intitulé Competing on Analytics: The New Science of Winning. Sans cette étape cruciale, vous pourriez avoir de sérieux ennuis plus tard. En évaluant vos capacités d’analyse, vous parviendrez à déterminer si vous avez l’expertise, les processus et les plateformes nécessaires, et si votre compréhension de la culture d’entreprise est suffisante pour mener à bien votre expérimentation. Comme pour tout projet, vous devrez trouver le soutien nécessaire pour compléter la démonstration de faisabilité. Une fois que toutes les pièces sont réunies et que l’analyse de rentabilisation est approuvée, vous pourrez mettre en place votre initiative. Cela dit, il est possible que l’expérience n’ait pas les résultats escomptés. Dans un tel cas, il est important de comprendre pourquoi et d’examiner les améliorations possibles pour l’avenir.
6. Il faut briser le fonctionnement en silos entre les chefs d’entreprise et les experts des données.
Les experts des données sont souvent isolés dans la structure de l’entreprise, ce qui fait en sorte que les têtes dirigeantes sont souvent déconnectées de la réalité des analystes. Ceux-ci ne peuvent apporter de la valeur à l’entreprise s’ils opèrent de manière indépendante, isolés du reste des employés. Les compagnies les plus performantes s’assurent que les scientifiques des données soient en relation étroite avec le reste de l’entreprise. Les chefs de file de la science des données insistent pour que les employés maîtrisent les concepts-clés et les sujets chauds de l’analyse de données. Ce n’est pas dire que les chefs d’entreprise doivent se métamorphoser en ingénieurs du jour au lendemain – mais tout dirigeant d’une entreprise qui place les données au centre de ses opérations se doit de maîtriser le langage des données.
7. Tenter d’évaluer l’incertitude… avec certitude.
Nous savons tous que les certitudes absolues n’existent pas. Pourtant, les dirigeants continuent de demander à leurs équipes de leur fournir des réponses sans mesure de confiance ou marge d’erreur correspondante. Demander aux équipes de quantifier leur degré de certitude ou d’incertitude de manière explicite peut avoir un effet considérable. Une telle mesure force les décideurs à faire face aux différentes sources d’incertitudes. Les analystes, eux, acquièrent une meilleure compréhension de leurs modèles lorsqu’ils doivent évaluer l’incertitude de manière rigoureuse. Les données sont-elles fiables ? Les exemples utilisés sont-ils suffisamment nombreux pour en tirer un modèle fiable ? Comment incorporer certains facteurs pour lesquels on ne dispose d’aucune donnée, comme l’émergence de nouveaux modèles d’affaires ?
En insistant sur une meilleure compréhension de l’incertitude, les entreprises seront davantage portées à expérimenter, à mener des essais rigoureux et contrôlés (tels que l’élaboration de prototypes ou d’une démonstration de faisabilité) avant d’effectuer des changements de grande envergure.
8. L’analyse de données rend les employés plus heureux.
En offrant aux employés la possibilité de tirer eux-mêmes des conclusions des données recueillies, les entreprises favorisent l’accomplissement personnel et professionnel des membres de leurs équipes. La technologie permet d’automatiser certains aspects, disons… moins excitants du travail. Lorsque les répercussions directes de la technologie se transforment en bénéfices pour les employés – en leur permettant de gagner du temps, d’éviter de devoir refaire certaines tâches ou d’avoir à faire de la recherche d’informations –, la motivation est décuplée.
Quelques remarques pour conclure
Ça peut sembler cliché, mais c’est vrai : les vrais changements s’opèrent de l’intérieur. Une transformation ne devrait jamais commencer par la technologie. Les entreprises qui souhaitent amorcer une transformation numérique doivent le faire en mettant l’accent sur les cœurs et les esprits qui constituent leur ADN. Les compagnies – de même que les unités d’affaires et les individus qui en font partie – font souvent l’erreur de se rabattre sur leurs habitudes, car le risque de ne pas être à la hauteur de leurs ambitions paraît trop grand. C’est peut-être le moment de proposer une nouvelle formule : courage + peur = innovation.
Les données peuvent fournir les preuves nécessaires pour soutenir vos hypothèses et la confiance pour innover sans avoir l’impression de se jeter dans le vide. Mais pour cela, elles doivent émaner d’une entreprise formée d’individus qui croient en une vision et une stratégie portées par les données – et en leur pouvoir.
Il n’est pas suffisant de vouloir centrer ses opérations sur les données. Pour véritablement effectuer ce virage, les dirigeants doivent développer une culture d’entreprise qui permettra de faire naître de nouvelles façons de penser. Ils doivent prêcher par l’exemple en adoptant de nouvelles habitudes, en incluant les unités d’affaires et les individus au processus, et en ayant des attentes claires par rapport à ce que ça signifie vraiment de mettre les données au centre de la prise de décisions : mettre les individus au premier plan.