GOV.UK, le gouvernement en ligne le plus inspirant de la planète. Voici pourquoi.
Le 16 avril 2013, l’initiative Gov.uk remportait le prix du Design of the Year Award, toutes catégories, remis par le Design Museum de Londres. Pour un site gouvernemental, on peut littéralement parler d’un exploit.
La genèse
En 2010, Martha Lane Fox, nommée digital champion, émettait un ensemble de recommandations audacieuses sur ce que devrait faire le gouvernement britannique pour mieux servir ses citoyens en ligne.
Elle recommandait une révolution plutôt qu’une évolution. Une des recommandations clés du rapport consistait à créer une équipe centralisée avec un contrôle absolu sur l’expérience utilisateur de toute l’information publiée en ligne par le gouvernement.
Un changement complet de paradigme
Les recommandations du rapport sont radicales lorsqu’on pense à la manière dont les gouvernements créent généralement les services en ligne. En effet, au Royaume-Uni – tout comme au Canada ou aux États-Unis –, pour faire un site, il faut passer par un processus très formel d’approvisionnement en service informatique (en anglais, « procurement »). Aux États-Unis, certains qualifient carrément ce processus de « cancer » suite au lancement désastreux du site Healthcare.gov, qui aurait coûté des centaines de millions de dollars aux contribuables américains.
3 ans déjà
Fin 2010, Francis Maud, le ministre responsable, commence à appliquer les recommandations du rapport. L’objectif du projet : épargner 4 milliards de dollars et faciliter les transactions avec le gouvernement.
La totalité des ministères et 331 organismes publics ont déjà migré leur contenu sur la nouvelle plateforme. Un succès incontestable. Tout ça en seulement 3 ans à la suite du rapport de Martha Lane Fox.
7 facettes remarquables du projet
1. Interface utilisateur unifiée mais des gabarits spécialisés
Un des éléments les plus radicaux de l’initiative est l’adoption d’une interface utilisateur uniforme pour tous les ministères et organismes, qui sont d’ailleurs rassemblés sur un seul site.
Toutefois, l’objectif n’est pas d’entrer tous les contenus dans le même gabarit. Au contraire, leur système de gestion de contenu, développé sur mesure, prévoit un grand nombre de gabarits spécialisés pour les différents types de contenu qui existent. Par exemple :
- Un gabarit pour les documents provenant d’une demande d’accès à l’information
- Un gabarit pour les rapports indépendants
- Un gabarit pour les correspondances
- Un gabarit pour les séries de documents
- Un gabarit pour les discours
- Etc.
2. Développement itératif
L’équipe du Government Digital Service (GDS) a adopté l’approche Agile. Qui dit Agile, dit itératif. L’idée est d’offrir un service en ligne le plus tôt possible, et de constamment l’améliorer. Ce développement itératif peut sembler facile à réaliser, mais il s’avère difficile dans un contexte d’appel d’offres, car tout doit être planifié et ne peut pas être changé profondément, au risque de causer des problématiques contractuelles.

3. Équipe centralisée
Le Government Digital Service est situé dans un bureau unique, à Londres, afin de faciliter les communications. Cette proximité physique est recommandée lorsqu’on adopte une approche Agile.
4. Les besoins des utilisateurs au-delà des désirs du gouvernement
L’équipe de Gov.uk a tenté d’identifier les besoins des citoyens en passant en revue les sites existants et en regardant les chaînes de recherche utilisée par les utilisateurs. Cet exercice a permis de répertorier 1800 besoins. Dans le but de classifier et prioriser ces besoins, ils ont été enregistrés dans une application baptisée Needotron.
Pour chacun de ces besoins, ils se sont posé plusieurs questions, par exemple :
- Est-ce le rôle du gouvernement de répondre à ce besoin?
- Est-ce que le gouvernement est le seul à pouvoir répondre à ce besoin? (ou y’a-t-il déjà une quelqu’un d’autre qui répond mieux à ce besoin?).
L’un des principes de design qu’ils ont énoncé est d’en faire moins (« Do less ») Selon ce principe, les gouvernements devraient se concentrer à faire ce qu’ils sont les seuls à pouvoir faire.
5. Solutions ouvertes
En plus de réutiliser un maximum de technologies à code ouvert, toutes les solutions logicielles que développe le Government Digital Service sont
disponibles sur leur compte GitHub.

6. Mesure de performance publique
Tout comme chez Adviso, la mesure de performance revêt une grande importance. Tous les organismes sont encouragés à bâtir des tableaux de bord de performance, qui sont systématiquement publics.

7. Transparence
L’équipe du Government Digital Service est très transparente dans son travail. Par exemple, la liste des tâches à accomplir de l’équipe de développement (le backlog) est publique.

L’équipe publie également deux blogues :
- Un blogue dédié aux utilisateurs internes (employés des différents ministères et organismes (Inside GOV.UK),
- Un blogue sur l’avancement du projet lui-même (Government Digital Service)
Un changement aussi radical est-il possible et souhaitable au Québec?
Émuler l’approche de Gov.uk implique l’abandon d’une certaine autonomie de la part des ministères et organismes. Il faudrait donc un ministre avec beaucoup de conviction pour y arriver, mais rien n’est impossible.
Quoi qu’il en soit, Gov.uk inspire déjà d’autres gouvernements, dont celui de la Nouvelle-Zélande, qui a décidé d’adopter le concept et les codes sources développés au Royaume-Uni.
Au Canada
Plus près de nous, le gouvernement canadien tente de favoriser l’utilisation d’une plateforme commune et à code ouvert pour les sites web du gouvernement à travers la Boîte à outils de l’expérience Web (BOEW). Mais le projet reste très modeste comparé à l’initiative Gov.uk.
Pour en savoir plus
Je n’ai fait qu’effleurer les atouts de ce projet. Pour en savoir plus :