Combien de millions ($) valent vos données marketing?
« Obtenir des chiffres est facile; obtenir des chiffres auxquels on peut avoir confiance est difficile! » – Ronny Kohavi, Responsable de l’expérimentation chez Bing
Comme l’a dit l’autre jour un scientifique de données de mon équipe: « Les spécialistes marketing ont besoin de moins de technologies et de plus de données. En même temps, ils ont besoin de moins de données et de plus d’insights. » Cette simple déclaration trace un bon portrait de ce qui est arrivé en marketing numérique dans la dernière décennie. Au fil des ans, le focus est passé de la croissance d’un stack technologique plus grand au développement de meilleures capacités d’exploitation des données du stack existant. Naturellement, en se concentrant sur les données, on garde le cap sur les insights, ce qui permet d’amener une valeur commerciale réelle. Mais la véritable question derrière cette évolution est : comment les stacks marketing sont-ils devenus aussi désordonnés?
L’ascension et la chute des Platform Hoarders
Tout a commencé au début des années 2010, lorsque les spécialistes en marketing numérique et analytique — comme moi, il faut bien l’admettre — étaient à l’aube de ce que j’appellerais l’ère des plateformes. Ce fut la grande révolution technologique en marketing numérique. Google Analytics arrivait à maturité et Adobe Analytics (anciennement Omniture) représentait la Ferrari des données pour le commerce électronique. Le CRM arborait une aura mystique et prestigieuse et l’achat média programmatique, alors connu sous « yield management », gagnait en popularité parmi les spécialistes marketing les plus avancés.
Puis, au milieu des années 2010, de nouvelles générations de plateformes marketing infonuagiques ont fait fureur, c’est-à-dire les DMP, SSP et DSP, tandis que les plateformes de connexion de données comme Domo et Datorama étaient en pleine émergence. Du côté du marketing par courriel, la tendance se situait autour des plateformes d’automatisation marketing telles qu’Adobe, Salesforce et HubSpot. La dernière décennie a également donné naissance à des plateformes de personnalisation telles que Sailthru, VWO et Optimizely pour effectuer des tests A/B de pages de destination et pour personnaliser les expériences de sites web. Essentiellement, les spécialistes marketing ont été submergés d’options de plateformes parmi lesquelles choisir. Cela, en plus de la pénurie de spécialistes capables d’implanter et de bien utiliser ces nouveaux outils.
Cette époque a donné naissance à deux importants personnages marketing ayant régné en maître au cours des années 2010: Le Platformer et son antagoniste, le Platform Hoarder. Pour vous décrire ces deux personnages, nous nous sommes amusés à les illustrer en tant que robots inspirés de la célèbre série de dessins animés et collection de jouets Transformers. À l’endos de chaque jouet, vous trouverez généralement un tableau décrivant la personnalité du robot et ses attributs principaux. Afin de capturer l’esprit du Platformer et du Platform Hoarder, nous en avons conçu deux d’apparence similaire:
Votre stack technologique est-il complexe ou tout simplement… compliqué?
Compte tenu des promesses extravagantes, presque magiques faites par cette pléthore de plateformes impressionnantes, les départements marketing ont englouti des millions de dollars dans un amas d’outils technologiques. Selon Toolbox, ces départements ont, en moyenne, jusqu’à 16 plateformes MarTech dans leur stack (et jusqu’à 20 du côté B2B). De plus, puisque ces outils s’accompagnent souvent d’implantations TI longues et onéreuses, il aura souvent fallu des années avant que de nombreux projets analytiques et MarTech rapportent une quelconque valeur commerciale mesurable. Dans certains cas, ça n’est jamais arrivé. Et c’est à ce moment-là que les choses se sont compliquées.
L’une des raisons principales du taux d’échec élevé des plateformes est l’obsession des équipes marketing à collecter et mesurer TOUT. Cette obsession pour l’hyper granularité crée souvent des intégrations de données trop compliquées (et non complexes) et des problèmes d’incohérences de données sans fin. De plus, plusieurs de ces intégrations et métriques apportent peu de valeur commerciale ou marketing. Par exemple, vous voulez suivre un événement personnalisé (custom event) sur votre site web qui affecte seulement 5 % de votre trafic et 0,2 % de votre revenu en ligne. Si ce travail nécessite des centaines d’heures en implantation, est-ce que cela vaut vraiment la peine? Maintenant, gardez en tête que l’hyper granularité, ce n’est pas mauvais en soi, tant que les efforts produisent un impact commercial proportionnel.
Maintenant, revenons à la notion de complexité. Dans les domaines de la physique et de la théorie du chaos, la définition de système complexe du Dr Karoline Weisner est la suivante [traduction libre]:
« Cela se résume à un système qui se compose de nombreux éléments qui interagissent de manière désordonnée et dont on tire un ordre robuste. Il n’y a rien qui contrôle de manière centralisée de quelle façon les choses sont censées se comporter. »
En outre, la complexité réfère à des propriétés avancées, cohérentes, modulaires et émergentes d’un système donné, tandis qu’un système compliqué réfère à des complications inhérentes qui peuvent ou non être cohérentes, avancées ou même utiles. Par exemple, le corps humain, de même que les voitures, ont la propriété d’être des systèmes complexes, avancés, cohérents et donc utiles (en principe… 😏). D’autre part, des processus d’affaires peu réfléchis peuvent devenir trop compliqués sans raison, ce qui n’est pas complexe, mais bien compliqué. Est-ce que cette explication était assez simple pour vous (jeu de mots, allô!)?
Malheureusement, plusieurs implantations analytique et ad/MarTech donnent aux dirigeants (qui ont du mal à suivre tous les buzzwords et acronymes technologiques) l’illusion de la complexité. Mais en réalité, ils sont très compliqués parce qu’ils ont mal été conçus. Les équipes TI et marketing analytique finissent donc par concentrer leurs énergies sur la correction des bogues et sur des opérations de plomberie au détriment d’activités à plus forte valeur ajoutée (stratégie, exploration de données et optimisation).
Le besoin d’une orchestration des données et de la technologie
De plus en plus de temps et d’argent sont consacrés à de nouveaux et brillants outils analytique et MarTech. Malgré tout, alors qu’ils commencent à vieillir, ils finissent par être inévitablement stockés dans nos dépotoirs de stacks technologiques collectifs. Qui plus est, les plateformes qui survivent dans les différents départements sont habituellement gérées en silos, sans stratégie d’orchestration ou de plan marketing communs. Les responsables des plateformes courriels ne parlent pas aux responsables des plateformes programmatiques, qui ne parlent pas aux responsables des plateformes de personnalisation de site web, qui ne parlent pas aux responsables des plateformes analytique, exception lorsqu’il y a un besoin d’intégration de nouveaux tagging. C’est un bordel disjoint!
La véritable clé pour atteindre un stack technologique complexe et à valeur ajoutée, est de développer une architecture robuste et une stratégie d’orchestration afin de connecter vos plateformes de manière cohérente et modulaire. C’est un peu ce que nous voyons émerger avec les microservices chez les développeurs d’applications.
En rétrospective de la décennie et de l’ère de la plateforme, toutes les promesses non tenues et les déceptions ont créé une vague de désillusions parmi les professionnels TI et les spécialistes marketing. En fait, dès 2018, eMarketer a signalé que les annonceurs américains réduisaient de 40 % les plateformes programmatiques. Selon Forrester, le capital-risque a pris bonne note de cette tendance, et les investissements en MarTech et AdTech auraient chuté de 75 % en 2019. Ceci représente la croissance la plus lente parmi les marchés technologiques analysés par l’étude Forrester. D’ailleurs, l’annonce d’une date confirmée pour l’apocalypse des third-party cookies rendra les spécialistes marketing encore plus hésitants à investir dans d’autres intégrations de plateformes dans leur stack, plus particulièrement en publicité.
Comme le souligne un article d’Alison Weissbrot dans AdExchanger, même les Customer Data Platforms (CDPs), dont on parle beaucoup et qui sont souvent considérées comme les successeurs logiques des DMPs dans une apocalypse post-cookies, sont adoptées avec plus de prudence et de méfiance. Comme Weissbrot le souligne [traduction libre]:
« Au fur et à mesure que les spécialistes marketing abandonnent les DMPs, ils emportent avec eux ces apprentissages – et une forte dose de scepticisme – lorsqu’ils testent de nouvelles technologies. »
Maintenant, il ne s’agit pas de prétendre que les plateformes sont mauvaises ou qu’elles ne sont pas importantes en marketing. Au contraire, nous avons plusieurs études de cas qui prouvent qu’elles sont pertinentes. Cela dit, l’élément essentiel à retenir est que l’accumulation des technologies, surtout sans plan clair côté Personnes, Processus, Plateformes (dans cet ordre), détourne l’attention marketing de ce qui compte le plus, c’est-à-dire une vraie stratégie d’analytique et d’activation.
Le marketing dans les années 2020: l’ère de la transformation de données
Les directeurs marketing, de plus en plus sous pression, sont contraints de justifier leurs investissements dans les plateformes analytique et MarTech. Ainsi, les spécialistes marketing entrent dans les années 2020 avec comme nouvelle mission d’extraire les données et la valeur commerciale de leur stack technologique existant, et ce, avant d’investir dans de nouvelles plateformes. Il n’y aura plus de bar ouvert ! L’étude eMarketer des tendances marketing et Ad Tech 2019 montre comment les entreprises partout dans le monde ont fait un virage vers les données, les métriques et l’analyse au cours des cinq dernières années. Plus précisément, 67 % des entreprises interrogées ont déclaré que leur attention se déplace drastiquement vers les données et l’analyse, donc moins vers les plateformes en soi.
C’est le début de ce que j’appellerais l’ère de la transformation de données en marketing. Si les données sont le nouveau pétrole, alors le raffinage de celles-ci génère le carburant pour propulser votre entreprise plus loin. Et avec toutes les données existantes parmi les 16 à 20 plateformes d’analytique et d’activation de votre département marketing, vous devriez avoir assez de données à analyser. Des mégadonnées, ou big data, pour être plus précis.
Le plus intéressant dans tout cela est le potentiel inexploré de l’unification de données entre l’analytique web, la technologie marketing et les systèmes d’intelligence d’affaires plus traditionnels. Alors que de plus en plus d’experts en intelligence d’affaires prennent conscience de l’énorme potentiel des sources de données marketing numérique, de Google/Adobe Analytics aux outils programmatiques ésotériques utilisés par les spécialistes marketing, trouver des moyens de transformer et normaliser ces données pourrait révéler des insights et opportunités commerciales inespérées.
Au cours de la nouvelle décennie, les Data Transformers commenceront à occuper l’avant-scène alors que les projecteurs se détournent des Platformers. Ces derniers ne disparaîtront pas (à l’exception des Platform Hoarders), mais ils évolueront vers de nouveaux rôles marketing comme chef d’orchestre entre les différentes plateformes. Vos Data Transformers se retrouveront dans des rôles nouvellement créés, par exemple des gestionnaires de données client, stratèges de données ou traducteurs analytique. Derrière ces nouveaux rôles, nous trouverons une équipe de soutien qui fera toute sa magie en arrière-plan, i.e. les scientifiques de données, les ingénieurs de données et les développeurs analytique. Cela dit, méfiez-vous du nouvel antagoniste principal, le Data Hoarder!
Encore une fois, afin de capturer l’esprit et les attributs du Data Transformer et du Data Hoarder, qui deviendront sans doute les personnages principaux des années 2020 en marketing, nous avons créé les deux profils ci-dessous:
Alors que le côté activation (comme la gestion des campagnes marketing dans les plateformes) demeurera chez les spécialistes marketing numérique, les données brutes des plateformes analytique et MarTech seront acheminées en tant que matière première par les ingénieurs de données vers les plateformes de Big Data infonuagiques telles que Google Cloud, Amazon et Azure. Elles seront ensuite traitées par des algorithmes d’intelligence artificielle et visualisées dans des tableaux de bord d’analyse, de prise de décision et ultimement d’activation commerciale et marketing.
Dans plusieurs entreprises, ceci est déjà en cours et des efforts sont faits pour concrétiser cette vision. Cela dit, si votre compagnie n’en est pas là, voici pourquoi vous devez vous y mettre… tout de suite!
Les données marketing inexplorées pourraient vous coûter des millions
Comme le souligne mon collègue Moulaye Traore dans son brillant article sur l’analytique augmentée, il existe un retour sur investissement réel, concret et mesurable à trouver des insights d’affaires. Si, en moyenne, un insight provenant de données peut entraîner un gain de performance de 25 000 $, l’optimisation de cette moyenne à 50 000 $ signifie que vous doublez votre performance marketing. Le principal défi de l’optimisation de la production d’insights est l’exploration adéquate des données. Plus une organisation peut consacrer de temps à l’exploration de nouveaux modèles de données, plus elle peut découvrir de nouvelles opportunités.
Lorsque vous travaillez seulement avec une ou deux sources de données, ce processus peut être optimisé assez facilement. Mais dans un contexte d’exploration de données provenant d’un large éventail de plateformes analytique et MarTech, l’exercice peut s’avérer plus difficile. D’autre part, vous avez aussi l’opportunité de découvrir plusieurs angles morts (blindspots) de performance dans vos activités marketing à travers les canaux. Finalement, vous avez également la possibilité d’identifier d’importantes inefficacités dans ce grand stack de données multi-plateformes.
En réalité, les données marketing inexplorées de vos nombreuses plateformes pourraient cacher des millions de dollars, à la fois en gains d’efficacité et en opportunités de performance. Mais tant que vous ne serez pas organisé dans un cadre d’analyse pour exploiter et explorer cette mine de données, vous ne le saurez jamais.
Mon conseil pour votre carrière est le suivant: n’attendez pas que la prochaine rockstar de votre entreprise, qui sera probablement un transformateur de données, le fasse pour vous. Devenez cette rockstar! Faites le saut dans cette nouvelle ère marketing et soyez proactif dans l’exploitation de vos données analytique et MarTech. Avant de vous lancer dans une nouvelle technologie, maximisez le potentiel des plateformes dont vous disposez déjà. En examinant de plus près les données de vos plateformes existantes, telles que Google/Adobe Analytics, Facebook/Google Ads, HubSpot, votre serveur publicitaire, Marketo, Salesforce DMP, Segment CDP, Adobe Target,Optimize et probablement tant d’autres enfouies dans votre stack, vous pourriez constater qu’elles contiennent plus que ce que vos yeux peuvent percevoir. Alors, selon les célèbres paroles d’Optimus Prime, time to ROLL OUT [les données]!!
PS. Seuls les fans des Transformers reconnaîtront la référence plus haut 😎
Si vous avez besoin de support pour l’élaboration d’une feuille de route d’exploration de données marketing, notre équipe d’analytique et science de données est là pour vous aider. Entre-temps, pour obtenir quelques conseils sur la manière d’éviter les mauvaises pratiques d’accumulation de données, veuillez télécharger notre guide, 7 principes en data marketing inspirés de Konmari.