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Marketing numérique: quels rôles confier à des employés, à une agence et à des robots?
1L’art de la gestion de projet2Un projet à succès commence par une bonne gouvernance3Cascade, agilité, demandes de changement?

Marketing numérique: quels rôles confier à des employés, à une agence et à des robots?

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Intelligence artificielle marketing Transformation numérique Média & SEM Opinions Stratégie d'affaires

Depuis quelques années, la tendance de l’internalisation s’est fortement accentuée en Amérique du Nord. De grands annonceurs ont viré leur agence afin de combler plusieurs rôles en interne, de la création à la gestion des médias sociaux en passant par certains achats médias. À l’ère de la transparence et de la performance, l’agence d’aujourd’hui doit plus que jamais démontrer sa valeur.

Je ne suis pas convaincu qu’on se pose toujours les bonnes questions avant d’internaliser. L’internalisation en soi n’est pas une fin, et les décisions des marketeurs devraient être éclairées par les questions suivantes :

  • Qu’est-ce qui doit être réalisé en interne avec les équipes de la marque?
  • Comment l’agence peut-elle dorénavant contribuer?
  • De quelles façons un robot peut-il amplifier les efforts et les résultats?

 

L'interne

 

L’ami Gaétan Namouric m’a fait découvrir le désormais classique et plus vrai que jamais « never delegate understanding » (ne déléguez jamais l’intelligence). J’ai vu plusieurs grandes marques essayer d’internaliser les fonctions d’exécution – par exemple les achats médias – tout en confiant l’aspect stratégique à leur agence. Le travail de bras était alors effectué en interne, et l’intelligence stratégique, sous-traitée. Selon moi, c’est l’inverse qui doit être fait, du moins dans un premier temps, car il peut s’avérer très difficile de gérer une équipe d’exécution quand on n’est pas maître de la stratégie. La stratégie et l’exécution doivent être parfaitement alignées, à plus forte raison dans un monde d’optimisation continue.

Quelles sont plus précisément les tâches qui devraient être internalisées? Celles qui exigent un haut niveau de coordination avec d’autres équipes internes et qui doivent être effectuées de façon régulière. Par exemple, le suivi de la performance avec les équipes qui gèrent différents canaux, le déploiement de la stratégie de contenu et la gestion de communauté, sujette aux approbations de plusieurs équipes et souvent destinée à « raconter l’histoire » (storytelling) de la marque, de son offre et de ses attributs. Ces tâches, souvent simples lorsque bien planifiées, deviennent très lourdes lorsqu’elles requièrent une gymnastique de coordination avec un partenaire externe.

La production de l’information et son déploiement dans le cadre de gestion de l’information sur les produits (product information management [PIM]), les systèmes internes comme le POS et les interfaces consommateur (catalogues, vente en ligne, etc.) devraient également être gérés en interne.

Enfin, la gestion des flux d’automatisation est une compétence qui devrait ultimement relever de l’équipe interne, notamment en raison de la relation avec les fournisseurs, de la connaissance fine des subtilités produits et des différents profils de consommateurs avec lesquels la marque a une expérience et un contact directs. Elle exige toutefois une harmonie préalable entre les équipes de marketing et de TI, ce qui représente parfois un défi en soi.

 

L’agence ou les experts externes

 

Il y a encore beaucoup de place dans le marché pour des entreprises de conseil ou de services gérés offrant une prestation moderne, stratégique et transparente.

Pour faire évoluer leur propre appréciation de leur marché et de leur positionnement, les marques ont besoin du recul que seuls des partenaires externes peuvent apporter. Elles doivent en outre faire appel à une variété d’expertises pour performer dans des canaux en constante mutation. Les consultants et partenaires externes à même d’innover peuvent devenir très utiles pour répondre à ces besoins grandissants.

La capacité de se transformer reste un grand défi pour les marques, et les ressources externes de pointe développent de nouvelles façons de les appuyer dans leur gestion du changement. Le succès ou l’échec de l’adoption d’une nouvelle technologie ou de l’internalisation d’un nouveau processus dépend du facteur humain et de la capacité à s’adapter. Entre la formation et l’exécution externe, plusieurs formules peuvent aider une marque à intégrer de nouvelles façons de faire. Par exemple, je crois beaucoup aux formules de consultation active, comme les ateliers réguliers ou le copilotage, pour développer l’autonomie des marques avec lesquelles Adviso travaille.

L’agence de 2020 doit pouvoir s’adapter à la volonté d’émancipation des marques et proposer des solutions, formules et approches adaptées. Les marques doivent quant à elles investir dans un recul salutaire ainsi que dans l’autonomisation de leurs équipes et de leurs processus avant de pouvoir prétendre qu’elles n’ont plus besoin d’aide externe.

 

Les robots

 

La perspective d’une apocalypse de l’IA repose essentiellement sur la crainte que les machines prennent notre place sur le marché du travail ou, pire encore, se retournent contre les humains et les réduisent à l’esclavage. Cette crainte est toutefois largement exagérée, la vérité étant que les machines ont des compétences extrêmement différentes de celles des humains.

Par exemple, une machine peut facilement et rapidement lister des termes extrêmement complexes dans un ordre très précis selon des critères ou des filtres particuliers. Elle peut également recevoir de l’information de centaines de capteurs et prendre une décision minimisant le risque, comme dans la conduite semi-autonome aujourd’hui possible. Par contre, alors qu’un enfant de trois ans voyant sa sœur sortir de la maison pourra facilement répondre à la question « Pourquoi ta sœur a-t-elle mis ses souliers? », une machine en sera incapable. Les tâches dites de « compréhension » s’avèrent très difficiles, voire impossibles pour une machine, car elles reposent sur des non-dits ou des informations manquantes. Bien qu’une machine puisse faire des liens en temps réel dans d’énormes quantités de données, une simple notion pratique et évidente pour n’importe quel enfant peut complètement lui échapper.

Les scientifiques n’arrivent pas non plus à programmer des machines pour accomplir des tâches aussi courantes et banales que desservir la table, soit mettre chaque article au lave-vaisselle, au garde-manger ou dans l’évier. Le nombre de décisions intuitives à prendre est tout simplement trop élevé.

La magie opère lorsqu’un robot vient compléter un humain dans des tâches lourdes, méthodiques, exhaustives et, disons-le, ennuyeuses. L’humain peut techniquement effectuer le contrôle qualité d’une nomenclature média de 20 000 lignes, mais jamais aussi bien qu’une machine, et certainement pas avec un haut niveau de satisfaction ou de plaisir. Il pourra encore moins le faire toutes les cinq minutes comme une machine peut le faire, et ce, sans relâche, sans pause et sans se plaindre. L’humain doit par contre configurer la machine, l’alimenter en données d’entraînement, la questionner et ajuster le tir au besoin pour que celle-ci raffine son travail et augmente sa valeur. L’intuition de l’humain et sa capacité d’aller au-delà des données disponibles sont capitales dans la prise de décision marketing.

C’est cette collaboration humain-machine et son raffinement constant qui permettent de dégager des avantages concurrentiels durables pour une marque moderne. De nombreuses possibilités en découlent, dont voici quelques exemples :

  • utiliser les flux de données pour automatiser des tâches publicitaires et d’indexation constamment affinées et complétées par un humain;
  • automatiser les enchères et les annonces dans un contexte très changeant (stock limité, périssable ou constamment renouvelé, comme dans les secteurs du voyage, du tourisme ou de l’événementiel, par exemple);
  • automatiser les tâches de contrôle qualité tout en veillant à ce qu’elles soient guidées par un humain chargé de revoir, adapter et diriger les processus;
  • prioriser les appels de service pris par des humains en fonction des textes reçus ou des paroles entendues grâce à la reconnaissance du langage naturel et à l’apprentissage machine;
  • combiner des sources de données actives (POS, transactions, trafic, etc.) pour détecter des insights et les exploiter, manuellement ou automatiquement.

L’opportunité réside non seulement dans l’économie de coûts, mais aussi et surtout dans l’agilité et la performance. Miser sur l’utilisateur qui maximisera la conversion en temps réel ou proposer le bon produit au bon client en utilisant l’apprentissage machine augmente les revenus et confère un avantage concurrentiel important aux entreprises qui maîtrisent la collaboration humain-machine.

Pour favoriser une telle collaboration, il est essentiel de développer une culture agile de travail entre les programmeurs et les publicitaires. Les revenus du futur dépendent de l’aptitude à utiliser l’apprentissage machine, le traitement automatisé du langage naturel et la robotisation pour tirer parti des données capturées et générées au quotidien. Et tout cela ne s’apprend pas du jour au lendemain.

La capacité des organisations et des marques à susciter et optimiser la collaboration entre employés, partenaires/experts et robots deviendra un facteur de démarcation important entre les entreprises qui meurent, celles qui survivent et celles qui excellent.