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Acquisition en commerce électronique : structurer sa vérification diligente
1L’art de la gestion de projet2Un projet à succès commence par une bonne gouvernance3Cascade, agilité, demandes de changement?

Acquisition en commerce électronique : structurer sa vérification diligente

  • Niveau Technique
Transformation numérique Commerce électronique Stratégie d'affaires

La question de la transformation numérique peut prendre plusieurs formes. Nous pourrions prendre pour exemple une compagnie qui opère dans un secteur bien précis et qui aspirerait à modifier son modèle d’affaires en vue de faire du commerce électronique. Dans un tel cas, pourquoi ne pas simplement considérer l’acquisition d’une compagnie tierce dans son secteur d’activité qui ferait déjà du commerce électronique? Si cette idee peut sembler simple à première vue, elle soulève plusieurs considérations à prendre en compte dans ce que l’on appelle une vérification diligente.

Le présent article ne fait pas état de l’art des activités inhérentes à une vérification diligente dans son intégralité, mais plutôt ce que l’on doit regarder en ce qui a trait au numérique.

Que veut-on obtenir par cette acquisition?

Tout d’abord, il est important de bien comprendre la stratégie de l’acheteur face à cette acquisition. D’une part, quelle est son envergure, et de l’autre, quelles seront les actions prises suite à son acquisition? Ces informations sont essentielles afin de se concentrer sur les bonnes variables du diagnostic. Souhaitons-nous acquérir un écosystème? Une base de données clients? Un nom et une notoriété?

Par où commencer?

Nous recommandons de débuter par une modélisation de l’écosystème dans son ensemble et de se faire une tête sur les actifs au niveau du marketing, des canaux de vente ou encore des opérations et de la logistique, mais surtout, de comprendre les interactions et les connexions entre les différents systèmes. Il importe aussi de mettre en exergue, à travers cette même modélisation, les initiatives qui gravitent autour du commerce électronique comme la base de données clients, la présence, ou non, d’une mécanique d’automatisation marketing, etc.  

Une autre analyse intéressante à cette étape, surtout si la compagnie à acquérir opère principalement en ligne, est de bien en comprendre le modèle d’affaires. Pour ce faire, le business model canvas d’Osterwalder et Pigneur peut être mis à contribution afin de se conformer à un standard et un cadre de travail plus précis.

Qui dit commerce, dit revenus

Il n’est pas sans rappeler qu’une entreprise performante en commerce électronique est une entreprise qui peut se caractériser par :

  1. Une proportion des ventes en ligne supérieure aux comparables;
  2. Des ventes en ligne en croissance plus rapide que les comparables:
  3. Une croissance/des ventes en ligne qui ne cannibalisent pas (trop) les autres canaux;
  4. Un omnicanal qui contribue à augmenter les marges;
  5. Des clients omnicanaux satisfaits et un omnicanal qui contribue à la valeur à vie d’un client.

Nous proposons donc de poursuivre par la réalisation de l’analyse des revenus générés par les actifs numériques. Combien les ventes numériques représentent-elles par rapport au chiffre d’affaires global? Comment les revenus sont-ils générés? Il ne faut pas oublier que le site peut ne représenter qu’une partie des ventes en ligne. Il est essentiel de prendre en considération l’écosystème dans son intégralité et les différents canaux numériques exploités (site, places de marché, etc.).

Comprendre les revenus actuels (ex. ceux générés dans la dernière année) est une chose, mais en comprendre l’évolution à travers le temps est primordial. Il est certain que cette analyse dépend toujours de l’historique de la compagnie, mais il nous apparaît optimal de regarder la tendance sur le plus d’années possibles en fonction des données disponibles.

Il est également recommandé de considérer la croissance de la marque à l’étude en rapport avec son industrie. Pour la croissance de l’industrie, différentes sources peuvent être mise à contribution. eMarketer et plusieurs autres publications partagent régulièrement des indices sur la croissance moyenne des détaillants en ligne canadiens comme internationaux. Il devient alors possible et relativement aisé de croiser ces données avec celle de la marque à l’étude pour valider si la croissance est significative. Le Internet retailer, quant à lui, donne des comparables plus précis selon l’industrie concernée.

Une fois les revenus analysés, il peut devenir judicieux de s’attarder aux éléments fondamentaux du commerce électronique, à savoir : les commandes, les produits, les clients et l’organisation. Ces derniers constituent une belle façon d’orchestrer les prochaines étapes de notre vérification diligente.

 

L’ennemi des revenus de demain, ce sont les revenus d’aujourd’hui.

Jean-François Renaud, Adviso

Pas de revenus sans commandes

L’analyse des commandes est importante afin de mieux en cerner le volume par rapport à l’envergure de la marque à l’étude. Vous pouvez considérer différentes mesures, comme :

  • Nombre de transactions totales;
  • Nombre de transactions par jour;
  • Nombre d’items moyens par commande;
  • Valeur du panier moyen;
  • Taux de conversion.

Comme pour les revenus, il est important de comprendre l’évolution du taux de conversion et du panier moyen. Cette analyse permettra de se donner une meilleure idée de la pertinence des efforts réalisés pour optimiser ces deux variables. Est-ce que la valeur du panier moyen augmente? Est-ce que le taux de conversion s’essouffle? Une analyse plus approfondie de la répartition des commandes (nombre de ventes en fonction de leurs valeurs moyennes) permettra d’autant plus de mieux comprendre le marché dans lequel la compagnie opère.

Si ces métriques sont importantes, il est tout autant pertinent de regarder à quoi ressemblent les commandes. Une analyse de ces dernières permettra de s’assurer que les ambitions de l’acquéreur pourront être comblées rapidement, si pas immédiatement. Par exemple, une compagnie qui aspire à faire du e-commerce B2C pourrait être freinée par des ventes en ligne de l’entreprise convoitée qui s’avèreraient être davantage orientées B2B… ou vice-versa.  

Pas de commandes sans produits

Voilà notre prochaine variable à étudier. L‘analyse des produits est utile pour mieux cerner l’envergure de la compagnie. Différentes mesures doivent être considérées, telles que :

  • Combien de SKUs sont présents dans le catalogue?
  • Combien de produits différents se sont vendus dans la dernière année?
  • Comment le catalogue est-il géré (manuellement, présence d’un Product Information Management (PIM)?
  • Quelle est la répartition des produits selon leur valeur moyenne?
  • Quels produits génèrent le plus de revenus?

Au-delà des produits, et si le catalogue le permet, il peut s’avérer intéressant de procéder à cette même analyse pour les marques et/ou les catégories.

Rien de tout cela sans clients

Vient ensuite l’étape d’analyse des clients : considérez un survol des caractéristiques socio-démographiques disponibles, et, cherchez surtout à savoir si la valeur à vie (LTV) est établie. Par la suite, nous conseillons d’analyser le trafic de façon plus spécifique :

  • Quelles audiences composent le trafic?
  • Quelles sont les sources du trafic?  
  • Un CRM est-il en place et que permet-il d’extraire comme données relatives à la clientèle?

Les éléments suivants devraient être considérés :

  • Comportement : combien de pages ont été visitées, quel est le taux de rebond et le pourcentage de sorties?
  • Recherche interne : quelles sont les recherches internes effectuées? Ces dernières donnent-elles les résultats escomptés? Le taux de conversion est-il proportionnel?
  • Engagement : quel est le ratio entre les nouveaux et les anciens visiteurs?
  • Fidélisation : quels sont les mécanismes en place pour assurer la fidélisation client?  

Et l’organisation dans tout ça?

Une autre sphère à étudier est en lien avec l’organisation. Quelles sont les ressources en place en ce qui a trait au numérique (profil, compétences, rôles et responsabilités, etc.)? Il y a place à l’évaluation de la culture de l’entreprise, c’est-à-dire, le côté davantage soft skills des ressources qui, soulignons-le, pourraient constituer votre équipe de demain, dépendamment de la portée de la transaction.

En faisant référence aux ressources, nous sous-entendons également la notion d’acteurs au sein de différents processus internes. Il devient alors important d’analyser des processus opérationnels comme la gestion des commandes, la gestion de l’inventaire, etc. afin de détecter si des activités sans valeur ajoutée y sont menées et, par conséquent, si une réingénierie sera nécessaire.

Enfin, nous recommandons de réaliser une analyse des technologies afin de faire le point sur les forces actuelles, mais surtout sur les éléments à surveiller. Même si les solutions best-of-breed simplifient généralement l’intégration, il est important de garder en tête qu’une acquisition ne devrait pas se faire sous la seule gouverne de la technologie en place, considérant que celle-ci puisse rapidement devenir obsolète.

Analyse des coûts

Par la suite, il est important de se concentrer sur l’analyse des coûts. Pour ce faire, nous proposons d’analyser quelles proportions, pour chaque dollar dépensé en numérique, sont possibles d’associer à différents types de coûts comme le COGS, la mise en marché, la transaction, le service à la clientèle, la logistique ou encore les frais administratifs. Cette analyse permet non seulement de mieux connaître la marge, mais aussi de voir où se trouvent les plus grandes sources de dépenses.

Un simple mapping des proportions peut rapidement donner un aperçu des sources de coûts.

Lorsqu’on parle de commerce électronique, il importe également de passer au peigne fin les coûts en lien avec les retours et la rétrofacturation. Au final, nous cherchons à déterminer si la répartition est similaire à ce qu’on peut retrouver dans l’industrie et si les investissements sont faits à la bonne place et de façon rationnelle.

Rassembler les constats et se positionner

Toutes ces réflexions nous permettront de dresser des constats qui se transformeront en recommandations exécutives. L’acquéreur sera donc guidé à travers les dernières étapes qui le mèneront, ou non, à la transaction d’achat. Généralement, les recommandations exécutives se comptent sur les doigts de la main et doivent être déclinables en tactiques actionnables à court, moyen ou long terme. Il est important, à cette étape, de se positionner clairement face à l’acquisition et de faire le parallèle avec la première étape qui, rappelons-le, consistait à comprendre la stratégie en arrière de l’acquisition. Les actifs numériques peuvent être les meilleurs au monde, si ces derniers ne répondent pas à la stratégie, il faudra alors remettre cette dernière en question ou tirer des conclusions défavorables à la transaction finale. C’est le meilleur moment pour le faire!

Beaucoup de données mentionnées plus tôt peuvent paraître difficiles à collecter pour mener à bien les différentes analyses, mais il est important de garder en tête qu’un simple Google Analytics, bien configuré et historisé, peut vous donner réponse à toutes ces questions. Si un tel outil de mesure n’est pas en place ou ne vous permet pas de répondre aux différents points, c’est peut-être signe qu’il serait plus judicieux de passer votre tour… Laissez-nous vous guider davantage.