Pas besoin de vous dire que nous vivons une période particulière, voire unique pour les entreprises d’aujourd’hui. C’était déjà pas mal compliqué il y a quelques mois, mais là, on dépasse le compliqué et on frise le chaos.
Cette situation m’amène à réfléchir, à discuter avec mes collègues gestionnaires et avec l’équipe. Comment bien réagir? Quels sont les bons gestes à poser dans un écosystème où les règles du jeu changent toutes les semaines, et même, tous les jours?
J’aime bien les frameworks qui aident à mieux réfléchir aux situations. Il y a plusieurs années, Simon Éthier, mon collègue de longue date et vice-président conseil chez nous, m’a introduit à la matrice de Cynefin. À l’époque, l’objectif était de déterminer les meilleurs services à proposer à nos clients, selon leur propre système.
Cette matrice est d’ailleurs très utile pour réfléchir et tenter de voir clair dans l’épais brouillard de la pandémie.
Pour celles et ceux qui ne connaissent pas, la matrice aide à définir les caractéristiques du système dans lequel on évolue, pour ainsi identifier le plan d’action le plus approprié :
L’idée est de prendre les problématiques une à une et tenter d’amener le système dans le cadran précédent. Par exemple, de complexe à compliqué, dans le cas qui nous occupe.
Le simple fait d’admettre qu’on est dans un système complexe et d’accepter que « we don’t know what we don’t know » est bénéfique; cela permet de prendre une grande respiration avant d’aborder les prochaines étapes.
Afin de pouvoir passer du système complexe au système compliqué, Cynefin nous enseigne à être actifs. Écouter, sonder, essayer, apprendre, noter, se tromper, recommencer, raffiner. Tous ces verbes impliquent une proactivité qui permettra de faire émerger les pratiques qui, ensuite, deviendront de bonnes pratiques. Cette proactivité permettra également d’en arriver à un système un peu plus simple à gérer.
Plusieurs entreprises, dirigeants et organisations ont eu du mal à appliquer cette approche lorsqu’ils ont constaté qu’ils étaient dans un système complexe, dans lequel les règles et les codes ne sont pas encore écrits. C’est le cas, par exemple, du système d’éducation en temps de pandémie. Comme parent, j’ai été déçu de constater l’inaction de ses acteurs, et ce, au prix de l’éducation de nos enfants.
Le ton a été donné lorsque le ministre de l’éducation a proposé de « prendre des vacances pour les deux premières semaines » et l’inaction qui a suivi a bien peu apporté à nos enfants en plus de complètement user les enseignants et la direction des écoles. Une proactivité maladroite et des ratés auraient au moins eu le mérite de développer le muscle de l’adaptabilité des acteurs enseignants, directions, parents et enfants, soit les acteurs qui composent le système. Ne rien faire n’aura causé que confusion et atrophie des muscles dont ce système a grandement besoin, au delà de la pandémie.
Il était évidemment impossible de prédire ce qui allait arriver étant donné le système actuel. Mais l’inaction a réellement paralysé les acteurs. Et plusieurs n’ont tout simplement pas développé leur muscle d’adaptabilité.
D’ailleurs, de nombreuses autres organisations sont aussi demeurées inactives face aux soudains changements de consommation, avec les diverses fermetures, nouvelles lois et changements dans le marché.
Cela dit, bien avant la pandémie, une majorité d’organisations n’avaient pas plus su s’adapter au système compliqué dans lequel ils baignaient. Un système composé de nouveaux modèles d’affaires, compétiteurs et façons de faire, tous déclenchés par le numérique. Ces organisations n’avaient pas établi de plan d’action pour leur virage numérique, malgré la disponibilité d’experts pouvant les guider et les aider à adopter les bonnes pratiques.
Plus j’y pense et plus je suis convaincu que l’adaptabilité est la qualité principale d’une entreprise, d’un dirigeant ou d’un employé moderne. Notre monde est en perpétuel changement et il s’accélère constamment.
Les enseignants qui refusent de faire des zooms avec leurs étudiants parce que quelques-uns n’ont pas de connexion Internet, ou parce qu’ils ont toujours fait les choses d’une certaine manière, en est un exemple patent.
Au contraire, celles et ceux qui embrassent l’incertitude, tentent de nouvelles façons de faire et sondent le terrain seront en mesure de faire évoluer le système et leur propre organisation.
Si vous évoluez dans une organisation qui ne fait pas preuve d’adaptabilité, ne vous découragez pas. Des situations comme celle que nous vivons actuellement offrent des occasions uniques de changer les choses.
Les entreprises n’ayant pas investi dans leur transformation numérique ont souvent résisté, remettant toujours à demain. Pourquoi modifier, raffiner, faire des sacrifices ou revoir une formule gagnante? Évidemment, le statu quo est beaucoup moins risqué. Mais inévitablement, les muscles de l’adaptabilité s’atrophient.
Si la pandémie représente un seul avantage, c’est que les sacrifices et l’adaptabilité sont maintenant nécessaires pour évoluer, voire survivre. C’est une bénédiction pour celles et ceux qui seront capables de saisir l’opportunité. L’exemple des trade shows est éloquent. Plusieurs entreprises dénichent leurs prospects dans leurs dizaines de trade shows annuels, coûtant plusieurs centaines de milliers de dollars. Ces budgets seront tout simplement impossibles à dépenser dans les mois ou années à venir. Détecter de nouvelles opportunités d’affaires est donc plus nécessaire que jamais.
C’est maintenant l’occasion rêvée de faire la transformation numérique requise depuis longtemps. C’est la période idéale pour s’adapter et, ainsi, passer d’un système complexe à un système compliqué.