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Faire évoluer sa culture d’entreprise pour réaliser une transformation numérique durable
1L’art de la gestion de projet2Un projet à succès commence par une bonne gouvernance3Cascade, agilité, demandes de changement?

Faire évoluer sa culture d’entreprise pour réaliser une transformation numérique durable

  • Niveau Technique

En 2015, en introduction d’une recherche effectuée auprès de plus de 4 000 dirigeants d’entreprises via le MIT Sloan Management Review, on pouvait lire ceci : 

« L’histoire des avancées technologiques en entreprises est parsemée d’exemples de compagnies se concentrant sur des technologies sans investir dans les capacités organisationnelles pour soutenir leurs impacts. Dans de nombreux cas, les attentes n’ont pas été remplies car les organisations n’ont pas changé leur manière de penser, leurs processus, et n’ont pas su développer une culture qui encourage le changement. »

La culture organisationnelle est, sans aucun doute, l’élément le plus régulièrement absent des strategies de transformation numérique ou des exercices de planification annuelle que j’ai eu la chance d’évaluer, ou sur lesquels j’ai été invité à intervenir. Pourtant, si la stratégie décrit le chemin à emprunter, la culture est le moteur qui propulse l’entreprise tout au long du parcours. En plus d’être essentielle à la capacité d’un groupe à évoluer, la culture est également un élément critique en regard à la rapidité et à l’efficacité avec laquelle les changements souhaités pourront être opérés.

De nombreuses entreprises ont implémenté des plateformes et des technologies et n’en exploitent absolument pas la pleine valeur. D’autres entreprises ont de grands projets de transformation numérique dont le résultat tarde à se faire sentir, ce qui les empêche de rivaliser avec les leaders de leur marché. Certaines sont incapables d’attirer ou, pire encore, de retenir les talents nécessaires au bon fonctionnement des nouvelles expertises technologiques requises pour être compétitifs.

Pour beaucoup de gestionnaires et de dirigeants, le changement est difficile.

Il n’est d’ailleurs pas rare d’entendre la phrase  « Il n’est pas rare de les entendre affirmer que leurs employés ont peur du changement ».

Cette anecdote se cristallise en réalité à travers le résultat d’une recherche de Korn Ferry où l’on apprend que 84% des dirigeants croient que leur organisation ne dispose pas des capacités et compétences nécessaires à la réalisation de leurs ambitions numériques.

Si les dirigeants posaient la question à leurs employés et que ceux-ci leur répondaient en toute franchise, ils apprendraient que ceux-ci n’ont pas véritablement peur du changement. Ils n’ont simplement pas confiance en la capacité de leurs dirigeants (ou de leur organisation en général) à le concrétiser. C’est un problème qu’aucune stratégie, même brillante et parfaitement exécutée, ne parviendra à surmonter.

Peut-on influencer la culture d’une entreprise? Ou peut-on, mieux encore, la designer?

Pour des entreprises comme HubSpot ou Bandcamp, la réponse à cette question est « Oui! ». 

HubSpot a une équipe dédiée à sa culture d’entreprise dont le travail consiste à gérer et à entretenir la culture de l’entreprise, de la même manière que d’autres équipes gèrent, par exemple, le service à la clientèle. 

En plus de la célébrité que leur a conféré leur produit éponyme, les dirigeants de Bandcamp sont reconnus pour leur livre Rework, dans lequel ils affirment avec élégance qu’il est impossible de simplement “inventer” une culture (en écrivant des valeurs et en demandant aux employés de s’y conformer). Selon eux, celle-ci est avant tout la somme de tous les comportements d’une entreprise, et en particulier de ceux qu’elle adopte avec régularité. Bref, la culture est d’abord une question d’habitudes collectives.

On peut ainsi voir la loi 101 ou d’autres politiques gouvernementales comme autant d’initiatives visant au design d’une certaine culture. Inversement, l’inaction produit aussi des effets culturels, souvent négatifs, au point où HubSpot parle également de « dette culturelle » comme on parle de dette technologique, avec des effets et conséquences tout aussi désastreuses.

Dans tous les cas, une étude menée par BCG nous apprend qu’il est payant de s’intéresser à la culture. Parmi les entreprises sondées ayant observé des gains en performance forts ou extraordinaires sur plus de 3 années consécutives après la mise en place d’une stratégie de transformation, 79% affirment avoir implanté des changements culturels en nommant et en définissant explicitement les comportements dont ils souhaitaient encourager l’adoption au sein de leur entreprise. Des résultats pour le moins probants, qui devraient être une source d’inspiration pour les organisations plus « frileuses » qui hésitent et qui tardent à se pencher sérieusement sur cette question. 

Par où commencer?

Certains leviers existent déjà. Il serait judicieux de commencer par s’assurer que les évaluations de performance sont faites de manière diligente et que ce processus porte sur des notions chères à l’entreprise. Si l’on souhaite, par exemple, que nos employés innovent davantage, on pourra incorporer cet élément aux critères d’évaluation ou encore bonifier sa pondération si celui-ci y figure déjà. Dans le même objectif, une démarche similaire devrait aussi être appliquée au processus de recrutement et d’embauche de l’entreprise.

Ceci dit, cela ne suffit pas. Comme on l’a vu précédemment, les dirigeants ont une grande part de responsabilité tout aussi importante dans la capacité (ou l’incapacité) de leur organisation à changer et à adopter une culture tournée vers l’évolution constante. Mettre en place de bonnes habitudes et les appliquer aussi régulièrement que possible semble être la clé de la résilience pour de nombreuses entreprises. Pensons à Brian Chesky, le cofondateur d’AirBnB, qui rédige encore aujourd’hui une communication hebdomadaire adressée à ses  employés, dans laquelle il traite les belles choses comme les moins belles. C’est en pleine pandémie, alors que tous les projets de voyage ont dû être mis sur pause, que cette entreprise a pu mesurer les bienfaits de cette pratique, qui contribue au développement d’un lien de confiance privilégié entre les employés et les responsables de l’organisation.Brian Chesky a d’ailleurs crédité cette pratique comme l’un des éléments principaux ayant aidé AirBnB à traverser la crise dans laquelle son entreprise s’est retrouvé suite à la pandémie de covid-19, crise à travers laquelle l’entreprise a été forcé de licencier le quart de sa force de travail et la majorité de ses contracteurs indépendants. Là où de nombreuses entreprises prendront des années à se remettre de telles coupures, AirBnB a déjà repris un rythme d’opération appréciable.

C’est donc bel et bien le rôle des dirigeants de mettre en place les pratiques et les habitudes favorisant l’évolution d’une culture d’entreprise forte. Voici 4 pistes capables de générer des effets positifs importants sur la culture organisationnelle, que je recommande vivement d’adopter si ce n’est déjà fait :

  1. Replacer le consommateur au centre des discussions. Jeff Bezos raconte qu’il insiste pour que ses équipes se réunissent toujours avec une chaise vide dans les salles. Cette chaise symbolise le consommateur, absent de la rencontre, mais que toutes les décisions devraient prendre en considération. Ce consommateur, possiblement représenté par quelques employés (dont le consommaticien, ou consumer advocate) de votre entreprise, agit comme le fil conducteur, de façon à aligner vos décisions.

     

  2. Définir les résultats souhaités et les contraintes à respecter, mais demander aux employés responsables de traduire eux-mêmes ces résultats en actions concrètes dans leurs activités quotidiennes. Autrement dit, demandez à vos gestionnaires de se garder de décrire les tâches à faire par leurs équipes pour se concentrer sur la communication des résultats souhaités.  Souvent, ce message ne traverse pas les échelons intermédiaires de gestion et ne parvient donc pas aux employés concernés. C’est dommage, car c’est sur eux que repose l’essentiel de la culture d’entreprise. De par la fameuse force du nombre, les niveaux hiérarchiques inférieurs représentent une force d’inertie majeure. Plusieurs études démontrent que lorsque ce niveau hiérarchique n’est pas pleinement sollicité dans la définition de ses tâches, la transformation de celles-ci devient plus difficile à opérer.

     

  3. Faire des prototypes. Devenir une organisation visuelle. Encourager ses employés à écrire moins et à schématiser ou dessiner davantage. Une entreprise est, fondamentalement, un assemblage de processus. Sans des schémas clairs représentant ces derniers, il sera extrêmement ardu de les traduire clairement. Il est temps de stimuler et d’encourager les artistes qui sommeillent dans vos équipes. Mieux encore, présenter des maquettes visuelles et des concepts vidéos peut aider l’ensemble de l’organisation à mieux comprendre le changement souhaité et son évolution. Si vous manquez de gens à l’aise avec la visualisation de processus, n’hésitez pas à recourir à l’aide de professionnels en la matière. Il existe des gens dont le métier est carrément d’agir en tant que facilitateurs visuels. De nombreux consultants sont également à l’aise dans ce rôle.

     

  4. Tenir une assemblée favorisant des sessions de « questions-réponses »ouvertes, franches, et aménager un canal de communication offrant des mises à jour régulières sur l’avancement des divers chantiers de l’entreprise. Dans cet objectif, un de nos clients a ainsi mis en place une infolettre mensuelle interne relatant l’évolution des différents projets en cours. Il y partageait aussi des anecdotes signifiantes exposant le type de comportements que l’organisation souhaite voir être adoptés  plus souvent ainsi que ceux qu’elle souhaiterait plutôt voir disparaître.

Pour conclure, rappelons-nous simplement que de nombreux principes s’appliquant à notre vie personnelle s’appliquent à des groupes. Le fameux adage disant que si on ne peut choisir son futur, on peut tout de même choisir nos habitudes, et que ce sont elles qui déterminent notre futur, s’applique parfaitement à une organisation et à la culture qu’elle désire implanter. En effet, le simple fait de transformer des habitudes quotidiennes au sein d’une équipe à lui seul, le potentiel d’entraîner bien plus d’effets  qu’une feuille de route, même longue de 35 pages. Dans tous les cas, assurez-vous que vos plans de transformation incluent des consignes concrètes sur la culture de votre organisation.