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Showrooming vs. ROPO effect : Naviguer les inconforts irrésolus de la vente multicanaux
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Showrooming vs. ROPO effect : Naviguer les inconforts irrésolus de la vente multicanaux

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Blog-icônes-multicanaux-300x148-1Quand vient le temps de planifier une stratégie de vente en ligne, plusieurs décideurs ont peur de voir leurs ventes en magasin s’effriter au profit de la vente en ligne. D’autres, accrochés aux nouvelles tendances, se disent que la croissance de la vente en ligne est si grande, qu’elle remplacera la vente en magasin (après tout, le pourcentage des ventes provenant des magasins diminue au profit du Web), et veulent y mettre toute leur énergie.

 

Il est vrai que selon ComScore, la vente au détail en ligne a cru de 13% aux États-Unis en 2012, contre 1% pour la vente au détail en général, et le commerce en ligne représente 10,6% des ventes au détail totales, en incluant le commerce sur téléphones et tablettes, on monte à 11%, et cette proportion est en croissance (les résultats canadiens ressemblent à ceux des États-Unis). Mais comme la croissance du commerce mobile est encore plus fulgurante que celle du commerce Web l’a été, certains iront jusqu’à se dire “c’est sur le mobile qu’il faut être d’abord!”

Mais la réalité est beaucoup plus complexe, et plusieurs détails finissent par brouiller les cartes et prouver qu’une même commande entre probablement dans plusieurs catégories. Comment devrait-on répondre à nos 2 décideurs?

 

L’haïssable “ça dépend” semble être de mise.

Deux définitions, un paradoxe

Showrooming

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Plusieurs s’entendent pour dire que la vente en ligne est avantageuse pour plusieurs points, notamment l’accessibilité à plus d’inventaire, plus de possibilités de commande, et, probablement de meilleurs prix. Ceux-là assument alors que l’achat s’effectuera en ligne pour ces raisons. Cependant, plusieurs jugent que certains produits gagnent à être touchés, essayés (par exemple, les achats subjectifs du modèle de maturité e-commerce d’un individu de Forrester), donc que le client ira les voir en magasin avant de les acheter en ligne. On parle alors de showrooming : le magasin n’est plus qu’une salle de montre supportant la vente en ligne.

ROPO effect

Blog-post-ROPO-1À l’opposé, plusieurs parlent de ROPO effectresearch online, purchase offline, en particulier pour des achats à forte implication où le Web, même si les fonctionnalités transactionnelles y existent, ne serait qu’un medium informationnel, un catalogue électronique pour préparer l’achat “brique et mortier”. L’insécurité de certains par rapport au commerce électronique (coûts de transport, sécurité des transactions, fiabilité des marchands) vient renforcer cet effet.

Le paradoxe

Les deux effets sont probablement bien réels et cohabitent constamment, même au sein d’une même industrie, même pour un même acheteur : il serait difficile de donner raison à l’un ou à l’autre. Bref, il faut faire avec les deux et s’assurer que les décideurs-clés l’acceptent.

Quoi faire pour s’en sortir?

Supporter tous les types d’appareils

En regardant les statistiques d’achalandage et la croissance des canaux force est d’admettre une chose : même si certains canaux croissent plus vite que d’autres (ex.: le mobile), dans presque tous les secteurs, la croissance est au rendez-vous dans la plupart des canaux, et le même client est sur plusieurs canaux à la fois, comme le sont vos compétiteurs. Et les attentes des clients augmentent : même si votre magasin ou votre site est 100% fonctionnel, une expérience mobile décevante peut coûter un client.

Le design de sites Web adaptatif  est à propos, plus que jamais. Ce n’est plus au décideur de choisir quel canal ou quel appareil supporter : c’est le marché et la rentabilité qui choisissent pour lui ; par contre, il reste plein de choix à faire quant à la façon de jongler d’un canal ou écran à l’autre.

Élargir les possibilités logistiques des sites Web et applications

Un site Web peut mener à différents types de ventes : livraison directe, livraison par un tiers (ex.: un grossiste ou le manufacturier, en drop-shipping), prise de possession en magasin, vérification de la disponibilité en magasin.

Toutes ces possibilités devraient être explorées et priorisées au moment de livrer un site de vente en ligne à la hauteur des attentes d’aujourd’hui, mais les inventaires et les systèmes internes sont-ils prêts? Encore une fois, il est préférable de prévoir l’adoption graduelle de plusieurs types de logistique que de croire que l’on pourra choisir “le meilleur”, une notion très relative qui varie selon le contexte.

Explorer différentes avenues quant aux emplacements de l’inventaire desservant le Web

Typiquement, un marchand en ligne se verra devant le choix d‘approvisionner le Web à même l’inventaire de ses magasins ou de dédier un inventaire spécifiquement au Web (site Web comme une succursale supplémentaire), deux avenues qui ont leurs avantages et inconvénients, mais le choix ne s’arrête pas là.

On voit de plus en plus des marchands entreposer de l’inventaire “appartenant au Web” dans certains magasins, le magasin entrant ainsi dans une relation d’affaires avec son site corporatif : il obtient plus d’inventaire (souvent une meilleure sélection), mais doit supporter une partie des processus d’envoi Web. Ces deux aspects font l’objet d’un calcul de valeur, et chacun (Web et magasin) peut calculer ses profits et pertes indépendamment, tout en vivant avec une interdépendance limitée qui permet de mieux jongler avec les incitatifs de chacun dans une optique gagnant-gagnant.

On voit de plus en plus des situations où le Web a une sélection de produits légèrement différente des succursales d’une même compagnie : il s’agit aussi là d’une bonne façon d’explorer la longue traîne et de tester de nouveaux produits.

Prévoir le coup en marketing, communication et formation

L’attitude du personnel des magasin (comme les messages marketing du Web) pourra avoir un grand impact sur le succès du site corporatif, et les messages internes et externes devront être suffisamment bien alignés pour que les différents canaux s’aident ou, au minimum, ne se nuisent pas.

On voit d’ailleurs certains détaillants équiper et inciter leur personnel de vente pour que ce dernier soit familier avec la vente en ligne et sache supporter les clients sur le site. On voit aussi des sites mobiles supporter la vente en magasin en donnant, par exemple, un plan des allées et départements.

Et pourquoi ne pas mieux aligner les systèmes de vente en magasin avec les systèmes de vente en ligne (je pense à Apple qui peut envoyer une facture par courriel, plutôt que de l’imprimer en magasin, ce qui aide à la fois ses programmes de loyauté et simplifie la vie des employés). Ceux qui commencent peuvent même probablement économiser en choisissant un système de vente commun qui supportera à la fois Web et magasins.

Utiliser le Web pour amener une nouvelle clientèle

Malgré ce que j’ai dit plus haut, trop souvent on assume que le client Web sera le même qu’en magasin. Or, le commerce électronique permet d’élargir la base de clientèle auprès de gens qui n’avaient pas accès ou n’étaient pas intéressés par les magasins autrement.

Certaines régions géographiques, ceux qui détestent magasiner ou veulent éviter les foules, ceux qui évitent la pression des vendeurs, ceux qui ne trouvent pas le produit dans le désordre des magasins ou ne savent pas que le magasin le tient, les groupes sont souvent nombreux, mais négligés lorsque l’on ignore cet avantage-clé du e-commerce.

Ce sont peut-être les segments de clientèles les moins rentables hors-ligne qui ont le plus de potentiel de croissance en ligne – et causeront une vraie croissance des ventes, et non une migration des magasins au Web.

Rapprocher les systèmes

Toute cette cohérente ne serait jamais possible sans une meilleure cohérence entre les systèmes Web et les systèmes d’entreprise. En gardant un point de vue itératif (c’est à long terme que le commerce électronique transforme les organisations), il faut aussi prévoir les choix technologiques en fonction d’une interopérabilité facile.

Les processus internes devraient être optimisés au même rythme que les initiatives en ligne, sinon, on ne verra jamais tous les bénéfices-clés de la vente en ligne : des chefs de file comme Amazon doivent leur succès autant à leurs sites qu’à leur obsession pour l’amélioration de l’expérience-client, qui inclue aussi… l’expérience hors-ligne, du centre d’appels à la façon d’empaqueter et d’ouvrir les boîtes.

Et rapprochement ne veut pas dire fusion : parfois le rapprochement justifie l’ajout de nouveaux systèmes dans la chaîne, par exemple une plateforme gérant les annonces, ou un logiciel dédié de product information management (PIM).

Sur les sites, balancer l’information et la transaction (sans oublier la promotion)

Typiquement, les projets Web des détaillants se concentrent soit sur la création d’un catalogue en ligne, ou l’adoption d’une plateforme de vente en ligne, mais les budgets sont rarement bien balancés (parfois, l’une ou l’autre des discipline est presque négligée), ce qui est pourtant essentiel. La notion de promotion doit aussi être intégrée, et dépend des deux autres. Alors au moment de planifier une refonte, les notions de technologies, contenu et promotion doivent être adéquatement balancées.

Un projet Web qui comporte 80% d’investissement en promotion est aussi suspect qu’un projet comportant 80% d’investissement en technologie ou en contenu.

Dans d’autres organisations, le contenu et les processus sont confiés à deux départements différents (ex.: approvisionnement ou marketing et T.I. ou opérations), et cette distance se sent dans l’expérience-client, surtout si le contenu ou la technologie est en dehors des responsabilités du dirigeant responsable… l’importance d’un dirigeant e-commerce responsable d’unifier l’expérience est cruciale.

La cohérence malgré le paradoxe

Lorsqu’on ajoute à cette complexité la notion de disponibilité, de commandes différées (back orders), de dates de livraison et d’adresses variées, on a rapidement le tourni.

Je pense entre autres à ma dernière commande chez Lowes, qui me donnait des options de livraison différentes pour chaque item présent dans le panier :

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Mieux vaut effectuer une évaluation de la demande par un sondage en ligne parmi la clientèle, et y aller graduellement, en déployant les possibilités une par une, par priorité, par exemple en utilisant des outils de gestion de projet Web supportant une méthode de développement agile.