Avec les changements imposés par la pandémie, de nombreuses entreprises opérant pour des clientèles professionnelles (B2B) subissent actuellement une complète remise en cause de leur méthode traditionnelle d’acquisition de nouveaux clients. En effet, la crise sanitaire a engendré l’annulation de la très grande majorité des salons professionnels à travers le monde. Les traditionnels roadshows ont soudainement été rayés des leviers possibles pour le développement des affaires.
Les conséquences sont funestes quand on sait que ceux-ci représentaient historiquement le principal canal de conversion d’une grande majorité des entreprises B2B. Aussi, les éternelles rencontres de démonstration ou de négociation entre vendeurs et prospects sont désormais compromises: on se tient à distance, ou bien on ne se voit plus du tout. Plus difficile, donc, de convaincre, lorsque le sympathique rendez-vous commercial est mis au placard. Les entreprises B2B doivent réinventer leur force de vente, et ce, dans un environnement compliqué, qui bouge quasiment tous les jours, au rythme des nouvelles sanitaires, avec des budgets d’acquisition qui vont très généralement se réduire. Désormais, la qualité doit primer en quelque sorte sur la quantité, ou plutôt l’abondance, qui est devenue une denrée rare. De plus, la transformation numérique n’est plus un questionnement, le timide “go/no go” n’a plus de sens: elle devient une nécessité quasi absolue pour faire survivre son business.
Une solution réside dans l’approche Account Based Selling ou ABM pour Account Based marketing.
Au coeur des nouvelles méthodes marketing et commerciales utilisant le potentiel des outils numériques, l’Account-Based Marketing est une stratégie marketing et commerciale B2B 100% personnalisée pour chaque prospect.
Chaque campagne d’acquisition se concentre sur un compte cible, à forte valeur ajoutée, identifié en amont par les équipes commerciales. Ce compte prospect, traité comme un “marché” à part entière, va alors être ciblé de façon privilégiée et conjointe par les équipes marketing et commerciales, suivant un plan de communication unique. C’est, en quelque sorte, une approche inversée à l’entonnoir de conversion.
Si l‘approche traditionnelle du roadshow et des communications numériques associées misaient plus sur la quantité (communément appelé spray and pray), l’ABM fait l’inverse et se concentre sur un petit noyau de cibles auprès desquelles on communique de manière extrêmement personnalisée, par le biais de personnes internes “relais” (les prescripteurs) clairement identifiées.
Source: Reachforce & Marketo
L’approche ABM mise plus sur la qualité que la quantité, et part du particulier pour étendre le ciblage à un marché plus vaste (approche 1:1 vers le 1:many), une fois que les processus et campagnes d’acquisition ont rempli leur proof of concept.
Globalement, l’approche ABM repose sur une démarche intégrée de prospection, portée par les équipes marketing et commerciales de façon conjointe. Les efforts ainsi que les contraintes technologiques sont donc alignés entre marketing et commerce.
Par exemple, sans ABM, le marketing produit tous les ans des supports d’aide à la vente, pendant que chaque vendeur prospecte individuellement en utilisant ces supports. Avec l’ABM, les supports d’aide à la vente sont scalables, rapidement adaptables aux comptes cibles et à une éventuelle expansion de la stratégie à plusieurs comptes: on vise sur des contenus moins génériques, globalement plus courts et sur-mesure. La collaboration sans silos entre production, marketing et ventes devient essentielle pour agir vite et bien.
Pour réussir, les équipes doivent bien sûr exploiter au maximum les outils numériques. D’une part, pour dupliquer rapidement des campagnes et les personnaliser (ex: modifier un use case et l’adapter à un autre client). D’autre part, pour identifier efficacement les parties prenantes au sein des comptes cibles et diffuser les campagnes avec un ciblage chirurgical. Enfin, pour suivre sans rupture les performances des campagnes, jusqu’à la signature.
Une palette d’outils est donc à considérer. Par exemple, des outils de veille comme TalkWalker pour suivre l’actualité des comptes stratégiques. Ou bien, des outils de prospection numérique, qui notifient les vendeurs en temps réel en cas d’actions du prospect, comme LinkedIn Sales Navigator.
Côté mesure, on repose sur le suivi des ventes et des leads des équipes commerciales bien évidemment, mais on s’appuie également sur les métriques suivantes pour mesurer la rentabilité (scoring) d’un prospect:
La comparaison de ces données permettra de voir si les coûts supplémentaires liés à la recherche en amont de prospects compensent pour la baisse des coûts associés aux dépenses médias de l’approche plus traditionnelle (en simplifiant extrêmement les faits, il faut que le CAC reste en deçà de la valeur LTV).
Etant donné que la situation économique engendrée par le COVID-19 continue de fluctuer considérablement au jour le jour, et ce pour tous les secteurs, il résulte deux phénomènes qui affectent grandement les capacités d’une équipe commerciale à opérer de manière traditionnelle:
Dans ce contexte, l’approche ABM peut se révéler fructueuse, car la phase de recherche en amont permettra de se concentrer sur les types de prospects les plus susceptibles d’avoir encore les budgets disponibles pour l’achat de votre service ou produit. Par exemple, dans des industries moins sensibles aux menaces de la conjoncture actuelle.
L’approche par ciblage des parties prenantes permettra aussi de prendre en considération l’aspect financier, notamment en allant cibler plus granulairement les influenceurs financiers au sein d’un compte. Quand on sait que statistiquement, le nombre de contacts susceptibles de s’intéresser à une offre dans une même société varie de 7 à 20 individus, l’ABM représente donc une technique pour convaincre plus rapidement les décideurs, en s’adressant à chaque contact de façon personnalisée (source: HBR).
Pour synthétiser:
“97% of B2B marketers said ABM had a higher or much higher ROI than other marketing initiatives. And it’s easier to measure your ROI” – Adobe Marketo – données de recherches groupe Altera
L’approche ABM n’est cependant pas la meilleure stratégie pour chaque équipe de ventes. Avant d’investir dans la modification de votre stratégie, voici quelques questions clés que votre équipe doit se poser avant d’envisager l’approche ABM:
En général, on utilise l’ABM lorsque le cycle de ventes est long (plusieurs mois, voire plusieurs années, entre le premier contact et la vente) et lorsque les personnes impliquées dans la prise de décision sont nombreuses. Les entreprises privées, les organisations à but non lucratif, mais aussi les associations peuvent se servir de l’ABM ou utiliser certains de ses outils.
Côté opérationnel, une approche ABM repose sur un ensemble d’étapes.
1. Alignement
Les équipes commerciales et marketing listent les comptes stratégiques à convaincre (par nom d’entreprises). Il est nécessaire de définir à la fois le profil type des grands comptes que vous souhaitez cibler, mais aussi les profils personas des stakeholders au sein de ces comptes.
Par exemple, vous pouvez viser les grandes sociétés agroalimentaires de plus de 1000 employés, qui utilisent un stack technologique précis. Au sein de ce compte “type”, il existe plusieurs prescripteurs et décisionnaires qui auront une influence sur la vente de votre produit ou service. Vous devez dresser des fiches personas pour ces différentes parties prenantes et comprendre les règles de décision typiques au sein de ce type d’entreprise.
2. Profils des contacts
Les équipes doivent ensuite réaliser la cartographie des contacts “relais” au sein du compte: leurs coordonnées, leur métier, leur rôle dans le cycle de vente, leurs besoins et leurs irritants. Un travail de veille et d’investigation est donc nécessaire avant chaque campagne (mise en relation, recherche de profils similaires, recherche avancée sur les réseaux sociaux, consultation des pages équipes des sites web cibles, etc.).
3. Canaux d’acquisition
À partir des contacts cibles identifiés et des comptes clés, il s’agit d’identifier les canaux d’acquisition prioritaires pour diffuser vos campagnes. Par exemple, si vos contacts cibles ont des profils LinkedIn, vous pourrez les adresser par message ou publicités ciblées.
4. Campagnes
Il est temps de produire ou d’optimiser des contenus existants pour les personnaliser à vos comptes cibles. Développez et diffusez des campagnes personnalisées pour chaque compte, en mesurant précisant les coûts de production et de diffusion de ces campagnes. Il est bien sûr plus performant de faire diffuser simultanément des contenus personnalisés par vos équipes de vente et marketing: une approche alignée a toujours plus de chance de faire “mouche” (ex: diffusion d’un contenu sur-mesure par inmail, par LinkedIn Sponsored Content, par courrier, par courriel aux différentes parties prenantes, etc.).
5. Ouverture
Grâce aux outils numériques (CRM, marketing platform, etc.), vous pourrez attribuer un score à une société en fonction des scores de ces différents contacts relais, et déclencher des notifications en cas d’actions spécifiques de ces contacts. Cela vous permettra d’identifier le bon “Door Opener” dès qu’un contact est réactif à vos campagnes (ex: clic, remplissage de formulaire sur le site, ouverture d’un email, etc.). Il faut donc nécessairement s’appuyer sur des outils de tracking omnicanal pour agréger la donnée et informer vos équipes en temps réel. Par ailleurs, l’IP tracking est un excellent outil pour diffuser des campagnes auprès de contacts utilisant la même IP, et donc très potentiellement collègues au sein d’une même société.
6. Mesurer, corriger, étendre
Comme pour toute campagne, on ne peut améliorer que ce qu’on mesure. Vérifiez les résultats de vos premiers essais, ajustez, et répétez la méthode auprès de nouveaux comptes si les résultats sont prometteurs.
Source: SuperOffice
L’approche ABM n’a cependant pas complètement été exemptée d’impacts par la situation actuelle.
En premier lieu, il faut tenir compte du fait que le télétravail a énormément affecté les capacités traditionnelles des outils associés à la cartographie des leads clients. En effet, avec de nombreuses personnes travaillant de chez elle, et donc avec des adresses IPs différentes de celles de leurs bureaux, il devient difficile de créer des audiences adaptées à un cycle de nurturing propre à l’ABM. Situation aggravée par la fin du tracking “third party” (le fameux cookie apocalypse).
En effet, avec ces deux contraintes, il devient difficile de créer des audiences claires permettant de cibler une personne relais à travers différentes canaux.
Certaines pratiques utilisées en ABM comme les évènements privés ou l’envoi de colis personnalisés sont devenus également relativement complexes dans l’état actuel.
Il est toujours possible de créer des campagnes ciblées, mais pour contrer cette situation plutôt floue, l’approche ABM doit aussi s’adapter et passer vers un processus plus numérisé encore (événements dématérialisés, webinaires, coupons cadeaux plutôt que cadeaux physiques, etc.). De ce fait, l’ABM doit plus que jamais se concentrer sur les plateformes owned (ses données, son site internet, son CRM, sa plateforme marketing, etc.) et son contenu, de façon à repenser la création de ses audiences personnalisées – comme par exemple, en se basant sur des visites d’URLs plutôt que sur des IP.
Il faut donc que l’approche ABM, comme tous les autres pendants du numérique, bascule encore plus rapidement que prévu d’une approche third party data à une approche first party data, avec ses propres banques de données d’audiences plutôt que de se rester dépendante d’outils tiers comme Google, Linkedin ou Facebook.