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L’achat programmatique et la data d’audience

Rédigé par Roger Kamena | 19 nov. 2014 00:00:00

Amihai Ulmanun leader de pensée en matière d’achat programmatique et COO chez MASS Exchange, vient tout juste de remettre en question l’utilisation du terme “programmatique”. Selon lui, le mot ‘programmatique’ n’est plus très adéquat pour décrire pleinement les plate-formes technologiques qui gèrent nos achats sur les Ad Exchanges. Il faudrait plutôt, selon lui, utiliser le terme Attention Markets (les marchés de l’attention).

 

Pour les professionnels du monde de la technologie publicitaire et des médias numériques, surtout ceux qui sont plus geek, le nom Attention Markets est beaucoup moins sexy que le terme programmatique. Donc initialement, j’étais un peu réfractaire à cette nouvelle appellation. 

Mais en lisant son excellent billet sur la question, je me suis rendu à l’évidence de ses arguments. En fait, son point décisif en ce qui me concerne, c’est la remise en question de la notion erronée que la principale raison d’utiliser le Real-Time-Bidding est l’automatisation. C’est faux. La réalité, c’est que l’automatisation en achat programmatique est un effet de cette technologie et non sa cause. L’automatisation d’une mauvaise approche marketing ne fera rien de plus que d’automatiser votre mauvaise approche, ça ne règle rien en soi.

La vrai cause de l’achat programmatique, pour citer Ulman, est la suivante :

Cette industrie est à propos du temps et de l’attention que les gens sont près à accorder à un message, c’est à propos de la compréhension des décisions économiques que les gens doivent prendre et de leur offrir des suggestions [pertinentes.]

C’est à l’épicentre de cette compréhension que se trouve la notion de la gestion de la data d’audience. C’est là le vrai pouvoir de l’achat programmatique, soit la capacité de rejoindre un consommateur au bon moment, au bon endroit, dans le bon contexte et à un coût d’enchère par impression livrée en fonction des réelles forces du marché, le tout en temps réel.

Dans cet optique, les ingénieurs qui ont conçu les algorithmes d’apprentissage automatique (machine learning) des différents DSP (Demand-Side-Platforms), l’ont fait dans le but de comprendre le comportement des consommateurs (l’audience) à multiple niveaux.

Par exemple, si vous êtes une ligne aérienne et que vous vendez des billets d’avion à travers le monde, comment savoir quelle est la meilleure audience à cibler, sur quels sites web les rejoindre ou dans quel contexte seront-ils plus disposés à acheter des billets d’avion pour une destination spécifique, disons l’Italie ?

Un premier réflexe serait de cibler des bannières web dans tous les environnements qui portent soit sur les voyages en Italie ou l’achat de billets en Italie, comme Tripadvisor ou Kayak.

Le problème, par contre, c’est que l’inventaire publicitaire de ces environnements web est à la fois limités, hautement compétitifs et surtout, très dispendieux d’un point de vue CPM. De plus, une page remplie de prix pour des vols en Italie offre peu en matière d’apprentissage d’audience. Le comportement des utilisateurs dans ces environnements est assez linéaire. Les gens viennent, ils achètent leurs billets sur le site, ils s’en vont, c’est tout. Pourquoi le consommateur a-t-il choisi une ligne aérienne x ou y, ça peut être lié à une dizaine de facteurs comme le prix, les heures de vols disponibles, l’affinité avec la ligne aérienne, etc.

Nous pouvons plus difficilement influencer les variables de l’offre comme le prix et les heures de vols vers l’Italie en tant qu’annonceur (c’est la job de l’équipe produit après tout). Par contre, si nous en savions un peu plus à propos des consommateurs qui visitent ces pages d’agrégation de vols vers l’Italie, nous pourrions potentiellement influencer leur affinité à la marque, voire leur décision d’achat par conséquent.

C’est là que la data d’audience devient une couche stratégique essentielle en achat programmatique, car c’est exactement ce qu’elle peut nous aider à faire. C’est-à-dire, la data peut nous apprendre à mieux connaître et comprendre notre consommateur cible. C’est en connaissant bien notre audience que nous pourrons optimiser nos campagnes Display de manière à obtenir leur attention, menant bien entendu idéalement à la conversion.

Qu’est-ce que la data d’audience, plus spécifiquement ?

Essentiellement, la data d’audience, d’un point de vue des médias numériques, c’est la trace numérique d’un comportement de l’utilisateur que l’on a pu capturer et cataloguer dans une plate-forme analytique quelconque. Une fois “interprétée” par les logiciels qui en font la collecte, cette data d’audience peut être transformée en segment plus spécifique. Par exemple, certaines data de comportement numérique pourraient se transformer en un segment de consommateurs à la recherche d’une hypothèque pour des premiers acheteurs.

De ce type de données, il y en a des tonnes à travers l’écosystème numérique, notamment sur le web ou dans nos appareils comme les smartphones, les tablettes, etc. En effet, lorsque l’on dit des tonnes ça veut dire plusieurs centaines et même plusieurs milliers de Terabytes de data par jour.

Facebook a elle seule génère plus de 500 Terabytes de données quotidiennement. Ajoutez à ça les 65 milliards de points de ventes qui sont étiquetés numériquement à tous les ans (et on parle ici seulement des États-unis), ainsi que les 154 milliards de courriels qui se promènent à chaque jour, ça en fait de la data d’audience, de la Big Data !

Étant donné que 75% de toute la data numérique est générée par les consommateurs, c’est-à-dire vous et moi, ça devient une opportunité en or pour les annonceurs de pouvoir accéder à autant d’information, pour tenter de comprendre le consommateur et sa consommation. Mais comment faire maintenant pour capturer et utiliser toute cette data ?

Dans le monde de l’achat programmatique ou des marchés de l’attention, il existe trois catégories de data disponible, soit :

3rd-party data, la data qui appartient à un tiers parti.

Dans l’industrie numérique, il y a des entreprises, dont Google et Facebook sont les meilleurs exemples, qui ont pour modèle d’affaires l’accummulation et la monétisation des données d’audience sur leurs plate-formes respectives. Ces entreprises deviennent alors des fournisseurs de data d’audience capables de vous vendre des segments de comportements très ciblés, comme par exemple un bassin d’utilisateurs “à la recherche d’un vol vers l’Italie à partir de Montréal.” Ces fournisseurs offrent leurs données en ventes sur les DMP (Data Management Platforms) dont nous parlerons dans le prochain billet. Ces données peuvent être juxtaposées à l’achat d’une impression sur les enchères publicitaires auxquelles vous accédez via un DSP. Pour ceux qui sont outragés par cette pratique, prenez note de ce dicton, “si vous n’avez pas payé pour un service, vous en êtes le produit.”

2nd-party data, la data qui appartient à vos partenaires d’affaires.

Par exemple, si votre marque est le commanditaire officiel d’un évènement sportif majeur (comme c’est le cas pour certains de nos clients), vous pourriez demander d’avoir accès aux données d’audience du site de cet évènement. Par conséquent, cela vous donnerait le droit de communiquer avec cette audience par le biais de la publicité web.

À priori, l’audience sur laquelle vous allez mettre le plus d’énergie est votre propre audience, donc la 1st Party-data. Il y a plusieurs façons de collecter et de segmenter vos données d’audience, mais cela peut nécessiter des stratégies de data plus avancées, que nous aborderons dans un billet ultérieur. Pour l’instant, si on s’en tient à la base, la façon la plus simple de bâtir un bassin d’audience, c’est d’installer les tags de remarketing d’un ou de plusieurs DSP sur votre site web.

1st Party data, la data qui appartient à votre marque ou compagnie.

Il s’agit des données à propos des consommateurs qui ont interagie avec votre entreprise, comme votre liste de courriels, vos données de CRM, les témoins ou cookies des visiteurs de votre site web, etc.

Sans entrer dans une architecture de données complexe, au stricte minimum, vous installerez des puces de conversion sur vos pages de produits ou services, ainsi que sur vos pages d’abandon de chariot numérique. Cela vous permettra d’une part de suivre les conversions générées par votre ou vos DSP, tout en ayant la possibilité de faire du reciblage de cette audience, soit pour du upsale, du re-sale ou du cross-sale.

Vous installerez également des pixels sur l’ensemble des pages de votre site pour capturer le bassin d’audience démontrant de l’intérêt pour votre marque ou vos produits / services en général. De ce bassin, il vous sera possible d’élaborer une stratégie de remarketing au niveau de l’offre, du créatif, des niveaux de fréquence, des segments, etc. Pour assurer un modèle d’attribution optimal, il sera important de faire passer vos campagnes par un serveur publicitaire, incluant vos campagnes SEM. Car une des caractériques du Display, tant en programmatique qu’en Premium, c’est que le canal a tendance à influencer le volume et la vélocité de vos recherches de marques sur les engins de recherche. Mais puisque ce sujet est assez lourd en soi, nous mettrons cette discussion de côté pour l’instant.

Ceci dit, pour revenir à votre 1st-Party data, un des avantages d’installer des puces de remarketing sur vos pages de conversion, c’est qu’elles vous permettront d’envoyer des apprentissages à l’algorithme d’optimisation de votre DSP à propos du profile-type des gens qui convertissent sur votre site. Qui sont-ils, quelles sont leurs habitudes de navigation, que font-ils typiquement avant de convertir ? L’algorithme d’apprentissage automatique de votre DSP est en écoute constante des Ad Exchanges pour arriver à “comprendre” le comportement de conversion de vos consommateurs.

À partir d’au moins une centaine de points de données comportementales, le robot se dresse un portrait de votre client idéal. De là, il sillonne les milliards d’impressions publicitaires rendues disponibles aux enchères par l’entremise des SSP (Supply-Side-Platforms), pour trouver et “décider” quand faire une requête d’enchère pour gagner une impression, dans le but de générer une conversion au meilleur coût par acquisition (CPA).

Si l’objectif de conversion est la vente de notre fameux billet d’avion pour l’Italie, l’algorithme ne s’arrêtera pas uniquement à des sites de voyages (i.e. Kayak) dans sa prise de décision, à moins que vous n’ayez spécifié une liste de sites exclusifs dans votre campagne RTB. Sinon, en moyenne, l’intelligence artificiel de algorithme d’un DSP peut prendre jusqu’à 8000 décisions à la seconde avant de lancer une requête d’enchère, en fonction d’une tonne de variables complexes. Donc le choix du site web n’est qu’un seul parmi tant d’autres facteurs à considérer. C’est ce que nous appellons en anglais “impression-level decisioning”.

Si on compare cela à la prise de décision d’un planificateur média traditionnel qui doit rédiger son plan média de 25 lignes dans un fichier Excel pour arriver au même but, disons que vos capacités décisionnelles médias viennent de s’amplifier par un exposant d’au moins 5 😉

Maintenant, le remarketing c’est bien intéressant, mais ce n’est pas tout. Toujours en fonction de notre bassin d’audience capturé par nos puces de conversion, c’est-à-dire nos acheteurs, il est aussi possible pour l’algorithme d’identifier puis de cibler, grâce à son écoute des Ad Exchanges, une nouvelle audience dont les caractéristiques et le profile sont très semblables à celui des acheteurs sur votre site. C’est ce que nous appellons le fameux “Look-alike Modeling” dans le jargon programmatique.

Grâce à une formule en partie heuristique, l’algorithme vous aide à trouver une audience similaire à votre audience la plus rentable. Cette audience se trouve quelque part parmi les millions de micro-segments de 3rd Party data offerts par des fourniseurs comme BluKai, Dataline, Acxiom, Arcametrics, etc.

En arrière plan, à l’aide d’un DMP, la machine analysera votre 1st Party data pour trouver les segments de 3rd Party data ayant la plus forte connivence avec votre audience de consommateurs la plus rentable. Cette connivence s’exprimera mathématiquement sous la forme d’un index ou d’un ratio de similarité. Plus l’index est élevé, plus le segment 3rd Party “ressemble” à vos acheteurs de billets pour l’Italie. De plus, certains DSP offrent la possibilité de calculer le potentiel du volume de conversions et même le ROI de chaque segment. C’est à prendre avec un grain de sel, mais c’est tout de même un indicateur intéressant dans certains cas.

Ce qu’il y a de bien, en plus de tout cela, c’est qu’il est possible de faire l’analyse de ces segments afin de pouvoir vous-mêmes, en tant qu’annonceur, en extraire des apprentissages qualitatifs et quantitatifs à propos du persona de votre consommateur type. Ces apprentissages peuvent être escaladés à l’équipe de produit et l’équipe ou l’agence de création, afin d’adapter l’offre et le message à votre audience la plus susceptible de convertir.

Dans les faits, votre grille d’analyse pourrait ressembler à ça:

De surcroît, en ciblant votre audience Look-alike, tous ces clics vers votre site se transformeront bien entendu en 1st Party data, augmentant ainsi votre bassin d’audience propriétaire. Cela aura pour effet de créer de la data d’audience qui deviendra un actif réel à long-terme pour votre entreprise, au même titre que votre liste de courriel ou vos bases de données clients. L’ensemble de ce processus se nomme l’extension d’audience et dans certains cas, Adviso a su faire passer le bassin de 1st Party data de nos clients de 600 000 à 2 000 000 d’utilisateurs grâce à ces techniques.

Exemple du potentiel de croissance du Look-alike Modeling

Ceci dit, le détail du comment du pourquoi derrière tous ces apprentissages automatiques est disons, assez compliqué. À vrai dire, certains des pionniers de l’univers programmatique sont des anciens ingénieurs de la NASA, qui ont converti la technologie derrière des bidules comme le Mars Exploration Rover pour en faire une utilisation marketing, juste pour vous donner une idée.

Mais pour vous donner une vue simplifiée de ce qui se passe entre la requête d’une impression mise aux enchères et la juxtaposition d’un segment de data d’audience lors d’une décision prise par le DSP, voici un schéma tiré du protocole OpenRTB 2.1 :

Source de l’image: Nexage OpenRTB Technical Reference

Mathématiquement parlant, si vous êtes vraiment curieux, la formule de base de l’algorithme d’un DSP ressemble un peu à ça:

Source: Real-Time Bidding Algorithms for Performance-Based Display Ad Allocation (Ye Chen et al)

Comment arriver à faire tout cela, de la bonne façon ?!

Le défi maintenant, c’est dans l’exécution. Considérant que nous n’avons toucher qu’à la surface du sujet, si cet article vous semble le moindrement complexe, la courbe d’apprentissage risque d’être plus ou moins longue avant de maîtriser l’achat programmatique et la data d’audience dans vos campagnes.

De plus, si c’est votre agence qui s’occupe de vos achats programmatiques, elle n’a peut-être pas de spécialistes à l’interne pour le faire. Donc, il est fort possible que vous ne soyez en mesure de faire guère plus que de l’achat programmatique 101, voire signer un bon d’insertion avec des compagnies en Full-service comme Exchange Lab ou Chango (qui font généralement du bon travail.) Il y a aussi le scénario des agences qui ont leur DSP/DMP propriétaire et qui n’ont pas tendance à partager les apprentissages de façon transparente, vous laissant dans une boîte noire.

Ce faisant, vous aurez probablement peine à obtenir des rapports d’audience plus granulaires pour des usages marketing plus avancés. Ce n’est pas le cas pour toutes les agences, car Adviso (sans vouloir prêcher pour notre paroisse) est le type d’agence ayant des analystes et des gestionnaires de campagnes (appelés des RTB traders) capables de sortir ce type d’analyse pour ses clients. À vous de voir avec votre agence si c’est le cas.

Nous recommandons toujours d’ailleurs que le client soit le propriétaire de ce type de données. Car après tout, il s’agit de VOTRE audience et non celle de votre agence. Donc pourquoi laisser cet actif précieux chez quelqu’un d’autre ?

Si vous aimeriez des conseils sur la façon de gérer votre data d’audience ou à propos d’une stratégie d’achat programmatique à plus long-terme pour votre entreprise, nos experts chez Adviso sont à votre disposition pour vous accompagner dans le processus. Donc n’hésitez pas à nous contacter.